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lerie et des attaques partielles qui n’étaient que des diversions, la lutte devenait de plus en plus âpre dans le secteur entier du Val Lagarina au Val Sugana. Les Autrichiens, repoussés chaque fois, et dix fois de suite, avec d’énormes pertes, ne se lassaient pas de revenir à la charge, dans le dessein évident d’enfoncer le front italien. Tout ce qu’ils purent faire fut de contraindre les Italiens à le rectifier, en abandonnant encore quelques positions avancées, dans la zone entre le Val Terragnolo et le haut Astico. Mais ils n’étaient pas à bout de souffle ; ils insistèrent le 17, toujours avec des diversions ailleurs, pour faire ventouse sur l’armée italienne, et n’eurent pas un meilleur succès ; dans le Val de Ledro, ils durent redescendre un peu vite, ceux, peu nombreux, qui les redescendirent, les pentes du mont Pari. Le jeudi 18 mai, le général Cadorna prit un grand parti ; une de ces décisions qui exigent d’un chef le plus de sang-froid et de courage : il ramena franchement ses armées en arrière, évacuant la position de Zugna Torta, entre le haut Adige et le Val Terragnolo, reculant la ligne de résistance de Monte Maggio à Soglio d’Aspio, entre le Val Terragnolo et le haut Astico, préoccupé par-dessus tout d’épargner des sacrifices inutiles et d’économiser des hommes qu’on ne retrouverait pas, plutôt que de conserver à tout prix du terrain qu’on pourrait recouvrer. Ainsi se passèrent les cinq premières journées de la bataille du Trentin, qui furent, pour les Italiens, les journées critiques. Quand elles s’achevèrent, l’action était demeurée concentrée dans la courte zone entre le Val Lagarina et le haut Astico ; le seul avantage acquis par les Austro-Hongrois était, en somme, de s’être fait ou de s’être vu céder les positions avancées de Zugna Torta et de la ligne de Mont e Maggio à Soglio d’Aspio.

Depuis lors, ou depuis la fin de mai, le nouveau front semble à peu près fixé, et jalonné, en croissant, de l’Ouest au Nord-Est, par Goni Zugna, Pasubio, Forni Alti, Xonio, le mont Cogolo, le mont Novegno, le mont Summano, le Sud-Est d’Arsiero, le mont Cengio et, à travers le plateau des Sette Comuni, l’Est d’Asiago, le mont Interrotto, la Cima Dodici, la Cima Undici, jusqu’à Ospedaletto, sur la Brenta, où s’appuie la droite italienne. L’armée royale tient fortement les deux ailes, et si le centre est secoué encore par de rudes coups de bélier, vers Arsiero et Asiago, dans la direction de Vicence, le général Cadorna, dont on connaît l’extrême prudence, déclare, à la date du 2 juin : « L’offensive autrichienne est nettement arrêtée ; » prélude de la contre-attaque. Quant à l’archiduc héritier Charles-François-Joseph, ou à l’archiduc Frédéric, ou à l’archiduc Eugène,