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28 juillet 1914, l’Autriche-Hongrie a signifié à la Serbie sa résolution inflexible ; immédiatement la Russie se range derrière le gouvernement provoqué. C’est le geste, inévitable, que guettait l’Allemagne ; le 1er août, elle déclare la guerre au Tsar. Mais le mouvement spontané de la Russie va fatalement déclencher un mouvement réflexe, ou il n’y aurait plus de foi publique au monde. L’Empire allemand, qui connaît peu les peuples et qui les comprend mal, connaît pourtant la France et la comprend assez pour savoir qu’elle ne désertera pas son devoir et n’abandonnera pas son alliée dans le danger. Il prend ses précautions contre elle ; le 2 août, il lance son ultimatum à la Belgique, la sommant de lui livrer passage ; le 3, il déclare la guerre à la France ; le 4 au matin, il viole cyniquement le territoire neutre. Le 5 août, la Grande-Bretagne, cosignataire des traités de 1831 et de 1839, et qui ne renie pas sa signature, assure la Belgique de son assistance effective, et déclare la guerre à l’Allemagne. Mais voici qu’aux extrémités de l’Asie, le Japon, lui aussi, respectueux de ses engagemens, « offre à l’Empire allemand, avec sincérité, un conseil pacifique, » et, n’en ayant pas obtenu de réponse dans le délai fixé, lui déclare la guerre le 23 août. Six Puissances, à la fin d’août 1914, se sont jetées ou ont été jetées dans la lutte contre les empires du Centre : la Serbie, la Russie, la France, la Belgique, la Grande-Bretagne, le Japon.

Mais ce n’est pas tout, et deux autres États vont successivement se joindre à l’Entente. Déçue par ses alliées de trente ans, trompée sur le caractère même, l’objet et les intentions de l’Alliance, l’Italie se retire premièrement et se retranche dans sa dignité : dix mois durant, elle se réserve, elle écoute, elle médite ; le 3 mai 1915, elle dénonce cette alliance menteuse, et, le 23, déclare formellement la guerre à l’Autriche-Hongrie. Le même jour, par représaille, l’Allemagne rompt son alliance avec elle, et rappelle son ambassadeur, M. le prince de Bülow, qui part en murmurant des menaces enveloppées dans des ironies ; mais les choses en demeurent là. Enfin, l’une des dernières quinzaines, le 13 mars 1916, le colossal Empire saisissait sa massue, et furieux de ce qu’on avait osé confisquer ses navires contraints au repos, blessé surtout de tant d’insolence qu’il attribuait à l’amitié anglaise, défiait le Portugal en un champ clos où il lui est impossible d’aller le chercher. Telle est la trame des événemens, si l’on néglige les fils entre-croisés ou redoublés, les contre-coups, les querelles secondaires. Sont en état de guerre déclarée : d’une part, la France, la Grande-Bretagne, le Japon, la Russie, le Portugal, contre l’Allemagne ; de l’autre, la France, la Grande-Bretagne, la Belgique, la