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Pour ce qui est des relations du gouvernement et du commandement, elles sont régies, comme tant d’autres choses en temps de guerre, quand tout doit être tourné et incliné vers la victoire, par une nécessité de fait que M. le général Galliéni a opportunément rappelée : « Sur le front, nos armées sont en présence de l’ennemi ; sur le front, ce sont les opérations militaires qui priment tout, et il serait inadmissible qu’une opération de contrôle quelconque, ou même un acte de commandement émanant d’une autre autorité que celle du général commandant en chef, puisse s’exercer sans un accord préalable avec lui. » Reste la question des rapports entre le gouvernement et le parlement, en ce qui touche le contrôle des opérations militaires : c’est, on ne saurait trop le redire, la plus grave de toutes les questions, dont les flancs, pour user d’une vieille métaphore, seraient pleins, si on ne les perçait, de conséquences énormes et peut-être effroyables. En termes rigoureusement exacts, c’est tout le problème du pouvoir, tout le problème de l’autorité qui surgit à l’état aigu, dans la circonstance même où la plénitude de l’autorité, où l’unité, l’indivisibilité du pouvoir, est la première condition de la force et, par la force, du salut.

Que l’initiative de M. Accambray n’aille à rien de moins qu’à ruiner cette autorité en la dédoublant, en la divisant, on a pu l’entrevoir clairement par l’intervention de deux socialistes, MM. Brizon et Raffin-Dugens, dont le crédit personnel se rehausse du fait qu’ils représentent deux des fédérations départementales les plus considérables de leur parti, l’Allier et l’Isère. Aux questions, en elles-mêmes anodines, de M. Accambray, M. Brizon a ajouté les trois questions suivantes, qui, elles, sont directes et brutales : « 1° Où se trouve effectivement le siège du gouvernement ? Est-ce à Paris ou bien à Chantilly ? 2° Le ministre de la Guerre et les sous-secrétaires d’État de l’intendance, du service de santé et des munitions, seuls responsables devant le Parlement, ont-ils le droit de donner des ordres — et lesquels ? — dans la zone des armées, ou bien ce droit est-il exclusivement réservé au grand quartier général ? 3° Quel jour prochain propose le gouvernement pour venir procéder avec la Chambre, réunie pour la circonstance en comité secret, à un échange de vues sur les problèmes de la défense nationale et étudier notamment : A. — La question du haut commandement et des états-majors ; B. — La question du contrôle parlementaire réel, par la libre circulation des députés dans la zone des armées et sur le front ; C. — Les mesures prises ou à prendre au cours de l’hiver, au profit de la défense du