Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/902

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrêtées[1]. Vers minuit, un comité de rédaction fut désigné et chargé de se rendre au ministère des Affaires étrangères pour composer un projet de note. MM. de Broqueville, ministre de la Guerre, Davignon, ministre des Affaires étrangères, Carton de Wiart, ministre de la Justice, van den Heuvel, et Hymans, ministres d’Etat, et le baron van der Elst revinrent ainsi rue de la Loi. Ils y retrouvèrent le baron de Gaiffier qui avait terminé son avant-projet de réponse. Le directeur général de la politique, sans savoir ce qui se déciderait au Palais, avait écrit exactement ce qu’il convenait de répliquer à l’Allemagne. Tant il est vrai que tous les Belges se trouvèrent unis dans la même pensée, dans le même sentiment à la lecture de l’ultimatum allemand !… A peine quelques phrases furent-elles remaniées par le comité de rédaction.

Pendant que ce travail s’effectuait, à une heure et demie du matin, le ministre d’Allemagne arriva et demanda à voir le baron van der Elst. De toute évidence, Son Excellence venait pour tâcher de surprendre sur les physionomies de ceux qu’il rencontrerait des symptômes révélateurs du sens de notre suprême décision. Le secrétaire général alla recevoir dans son bureau M. de Below-Saleske. ; Le ministre d’Allemagne dut remarquer la froideur de l’accueil qui lui fut fait. Voici comment une note reproduite au Livre Gris (n° 21), a rendu compte de cette visite nocturne :

« A une heure et demie de la nuit, le ministre d’Allemagne a demandé à voir le baron van der Elst. Il lui a dit qu’il était chargé par son gouvernement de nous informer que des dirigeables français avaient jeté des bombes et qu’une patrouille de cavalerie française, violant le droit des gens, attendu que la guerre n’était pas déclarée, avait traversé la frontière.

« Le secrétaire général a demandé à M. de Below où ces faits s’étaient passés ; en Allemagne, lui fut-il répondu. Le baron

  1. Je tiens d’un ministre d’État, qui assista au conseil nocturne et suivit plus tard le gouvernement à Anvers et en France, que pas un avis ne fut exprimé formellement pour suggérer une autre attitude que celle qui fut adoptée. Un des assistans, partisan convaincu d’ailleurs de cette solution, se livra à quelques commentaires sur ce qu’auraient pu être les conséquences d’une autre décision pour montrer son impossibilité. C’était mon informateur lui-même. Une grande partie du temps fut consacrée à la lecture de rapports de l’état-major. Les généraux chevalier de Selliers de Moranville et baron de Rijckel, chef et sous-chef de l’état-major général, avaient été appelés au Conseil des ministres.