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allemand : la situation était nette ! Elle ne prêtait ni à tergiversations, ni à interprétations. Il n’y avait plus à craindre l’hésitation fatale sur le parti à prendre, le problème de conscience qui m’avait toujours paru, d’avance, si redoutable pour le moment psychologique, parce qu’il aurait pu entraîner des conséquences irréparables en faisant perdre un temps précieux. Mais j’anticipe…


Entre le 23 juillet et le 2 août, parmi le tourbillon de nouvelles qui nous arrivaient de toutes parts, au milieu des lectures fébriles auxquelles il fallait se livrer pour se remettre exactement en mémoire les études faites en vue d’une guerre possible, des mesures de tout genre qu’il fallait prendre en hâte, des télégrammes, des visites de diplomates et des coups de téléphone, quelques faits se dressent dans ma mémoire, qui dominent cette période agitée.

D’abord, le 28 juillet, nous apprîmes par un télégramme du comte de Dudzeele, notre ministre à Vienne, la déclaration de guerre de l’Autriche-Hongrie à la Serbie. Le soir même, le Conseil des ministres se réunit sous la présidence du Roi. Devant les préparatifs guerriers qui se faisaient de toutes parts, la question se posait de savoir si la prudence ne commandait pas de mobiliser l’armée belge.

Le Conseil décida de prendre une mesure prévue par la loi, qui constituait la préparation immédiate, le premier stade de la mobilisation : c’est-à-dire de mettre l’armée sur le pied de paix renforcé[1].

Le lendemain, 29 juillet, le Moniteur Belge publia, à l’occasion de la guerre austro-serbe, la déclaration rappelant le statut de neutralité de la Belgique, qui était de tradition au début de toute guerre.

Le vendredi 31 juillet, nous apprîmes que le gouvernement

  1. Le 29 juillet, une circulaire fut adressée dans les termes suivans aux ministres du Roi à l’étranger pour expliquer cette décision. (Premier Livre Gris, no 8) :
    « Monsieur le Ministre, le Gouvernement du Roi a décidé de mettre l’armée sur le pied de paix renforcé.
    « Cette mesure ne doit en aucune façon être confondue avec la mobilisation.
    « À cause du peu d’étendue de son territoire, la Belgique tout entière constitue en quelque sorte une zone frontière. Son armée, sur le pied de paix ordinaire, ne comporte qu’une classe de milice sous les armes. Sur le pied de paix renforcé, ses divisions d’armée et sa division de cavalerie, grâce au rappel de trois classes, ont des effectifs analogues à ceux des corps entretenus en permanence dans les zones frontières des Puissances voisines.
    » Ces renseignemens vous permettraient de répondre aux questions qui pourraient vous être posées.
    « Veuillez agréer, etc.
    « Signé : DAVIGNON. »