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truchemens consacrés par le protocole : ses ministres, ses ambassadeurs. Celui-ci crie à tous les vents et profane un peu son chagrin. Le moins qu’on puisse dire de ses interviews, c’est qu’elles sont aigres. Le roi Constantin ne pardonne pas aux Alliés la situation où il s’est mis, et qui n’a pas encore, peut-être, déroulé toutes ses conséquences. Avec l’Allemagne, l’Autriche, la Turquie et la Bulgarie, nous discuterons sur le droit des gens et ses violations au cours de la guerre, depuis le 2 août 1914, quand l’heure en sera revenue, après la victoire, en les tenant pour ce qu’elles sont et en ne leur permettant pas de se donner pour ce qu’elles ne sont point. Quant au roi Constantin, en sa qualité de roi des Grecs, puisqu’il montre du droit des gens un souci louable en lui-même, le droit des gens propose à ses réflexions cette vérité incontestable, qu’il doit avoir sans cesse présente, et sur laquelle, pour notre part, nous ne nous excuserons pas d’appuyer : les trois Puissances garantes de l’existence de la Grèce n’ont promis d’y maintenir qu’un prince libre, indépendant et constitutionnel. Si le roi Constantin s’attache fermement à cette vérité, il ne se laissera pas entraîner, par des suggestions imprudentes, à des actes d’exception qui seraient des actes de violence. Il ne se jettera pas, par la proclamation de l’état de siège, dans l’arbitraire tout plein pour lui d’irréparable. Il se placera en roi et en gentilhomme, si c’est cette dernière qualité qu’à bon droit il estime par-dessus tout, au travers des mauvais desseins qui viseraient M. Venizelos jusqu’en sa liberté ou en sa personne même, et qui se sont assez affirmés pour que les amis de l’illustre homme d’État se croient obligés de l’entourer de leurs précautions. Repassant dans sa gratitude, que la jalousie n’a pu éteindre, les services rendus, l’impopularité vaincue, la réputation reconquise, le grand accroissement du nom et du territoire grecs, il ne perdra jamais de vue que, même hors du pouvoir, même hors du parlement, simple citoyen et presque pauvre, M. Venizelos est le plus solide soutien et le plus brillant ornement du trône.


Entre temps, il s’est joué à Nisch, en Serbie, une assez bonne farce. L’Empereur allemand et le tsar des Bulgares se sont rencontrés pour célébrer leurs triomphes invicem. En allemand et en latin bulgarisé, Ferdinand de Cobourg a chanté les grandeurs des Hohenzollern, de la Prusse, de l’Allemagne, de Guillaume le magnifique, Cæsar imperator et rex, victor et gloriosus ; la seule langue interdite à ce prince qui a du sang de France, c’est le français. La date du 18 janvier avait été pieusement choisie. Le 18 janvier 1701, Frédéric Ier de Prusse