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compensation. Notre Gouvernement et notre État-major diront si, par la suite du temps, nous pouvons faire plus. »

Et c’est parfaitement vrai : il n’appartient qu’au gouvernement italien et à l’état-major italien de calculer les chances, les risques, de combiner l’action et les ressources de l’Italie. Quelques motifs que nous ayons de croire qu’elle est loin de toucher à la limite de ses moyens, ou seulement d’en approcher, elle les mesure mieux que nous. Mais, mieux que nous aussi, elle sait qu’il ne pourrait y avoir pour elle de plus grandes raisons d’agir que des événemens balkaniques qui posent à la fois la question de l’Adriatique et la question de la Méditerranée orientale.


Pour ce qui nous concerne directement, on a plaisir à constater que nos résolutions s’affermissent. Tandis que les Anglais, prenant un parti énergique, et sacrifiant l’amour-propre au succès, achevaient d’évacuer Gallipoli pour un objectif plus utile, nous avons débarqué dans l’Ile de Corfou. Les considérations qui nous y ont amenés sont de trois sortes : 1° recueillir au plus près et réorganiser au plus tôt les contingens valides de l’armée serbe ; 2° débarrasser l’Ile elle-même, ses anses, ses criques et purger ses parages des sous-marins allemands et autrichiens qui l’infestaient périodiquement ; par surcroît, en expulser des touristes ou des immigrés que la circonstance allait changer en espions ; 3° faire sentir à qui de droit que la Quadruple-Entente pourrait, s’il en était besoin, serrer dans un anneau de fer les neutralités qui glisseraient de la bienveillance à la trahison. Brelan de protestations, déluge de larmes de crocodile. L’innocente Allemagne et ses élèves, l’Autriche-Hongrie, la Bulgarie, la Turquie, se sont indignées contre ce nouvel attentat au droit des gens, qui va gêner les attentions qu’elles avaient pris l’habitude de témoigner aux voyageurs. L’Autriche, plus émue encore, en a appelé au gouvernement des États-Unis, par l’entremise de l’ambassadeur de la Confédération à Vienne, de la violation des traités de Londres du 14 novembre 1863 et du 29 mars 1864 garantissant la neutralité de Corfou. L’Empereur allemand a gardé une réserve inusitée, comme propriétaire de l’Achilleïon, qui a du reste été respecté, sauf peut-être dans les facilités qu’il aurait pu fournir à la télégraphie sans fil. Mais son beau-frère, le roi des Grecs, ne se contient plus. Il élève récriminations sur récriminations, et l’on préférerait pour lui qu’elles fussent spontanées, qu’elles vinssent d’un mouvement de son âme. Un roi, lorsqu’il est en courroux, a ses