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dont M. Raymond Poincaré disait naguère : « Son génie scientifique est parmi les plus profonds et les plus pénétrans dans le monde entier ; mais M. Painlevé n’est pas seulement un savant, il est un homme dans la plus haute et la plus fière acception de ce mot. » Pour l’œuvre nouvelle, « il fallait un calculateur… » Ce fut un calculateur qui l’obtint. Bénissons la destinée… et M. Briand d’avoir fait mentir Beaumarchais et réalisé ainsi une sorte de révolution sans précédent.


En mettant à pied d’œuvre ses idées, le nouveau ministre des Inventions s’est bien gardé de faire table rase du passé. Il sait trop que le véritable novateur est celui qui perfectionne et développe, sans oublier le travail antérieur, et utilise précieusement ce que rien ne remplace : le fruit de l’expérience déjà accumulée. Il est, comme l’illustre Henri Poincaré, de ces mathématiciens à qui le maniement des équations différentielles a surtout appris la méthode et la valeur des faits. Heureux et admirables théoriciens, ceux à qui la contemplation abstraite des formes irréelles où la mathématique met tant de féerique beauté, démontre que « l’expérience est la source unique de la vérité ! » Étonnant paradoxe, qui fait que tant de gens vautrés pesamment dans la seule matière sont à genoux devant l’apriorisme des systèmes et le verbalisme, tandis qu’à côté d’eux, les purs abstracteurs de quintessence analytique ne connaissent de souverain que le fait !

Depuis longtemps déjà il existait une « Commission des Inventions concernant les Armées de Terre et de Mer, » et qui faisait d’excellente besogne. Elle avait été instituée à la suite notamment des fameuses affaires Turpin, et je dois dire, — « nourri dans le sérail, j’en connais les détours, » — qu’elle avait été admirablement organisée pour obtenir le meilleur rendement avec le minimum de formalités administratives, et que son organisation était un modèle de simplicité efficace dans les limites d’action, malheureusement un peu étroites, qui lui étaient imparties. Si je ne craignais de paraître insinuer que quelques autres administrations sont un peu plus éloignées de la perfection, j’ajouterais même que je n’ai jamais connu d’organe administratif réglé d’une façon aussi simple et aussi rationnelle, et aussi dépourvu d’inutilités, de lenteurs, et de complications bureaucratiques. On ne s’en étonnera pas si j’ajoute encore que son premier secrétaire général fut le colonel Joffre, qui depuis a montré qu’il savait organiser des choses encore un peu plus difficiles.