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Marine qui aurait pu précéder le vote de la loi. Cependant, les ministères intéressés qui, instruits par l’exemple du passé, n’étaient pas fixés sur les intentions du Parlement, avaient attendu que celui-ci les manifestât pour se mettre à l’ouvrage.

Dès l’apparition de la loi, l’Etat-major étudia les ressources que pouvait lui offrir l’Inscription maritime, afin de les rapprocher de ses besoins réels et d’en déduire la statistique des hommes qu’il y avait lieu de verser au recrutement. De son côté, la Guerre devait répartir ces réservistes au mieux des intérêts de la Défense nationale. Les quartiers avaient reçu l’ordre de faire un travail de recensement des inscrits qui avait été rapidement terminé. Cependant, au jour de la mobilisation, aucun accord n’était intervenu entre les deux Départemens au sujet de l’utilisation des réserves en excédent dans l’armée de mer. Le règlement de cette affaire était moins simple qu’on n’aurait pu se l’imaginer tout d’abord. La Marine était assez gênée pour dénombrer les marins qui pouvaient lui être nécessaires : ce chiffre dépendait, ainsi que cette guerre l’a démontré, d’une foule de facteurs. Il ne s’agissait pas seulement de connaître les effectifs des matelots à embarquer sur les bâtimens de combat, chose fort aisée ; mais aussi de savoir ceux qu’il faudrait réserver pour le Service général des arsenaux ou des bases de ravitaillement, pour la défense des côtes, pour l’armement des navires de commerce réquisitionnés ou affrétés, selon les expéditions lointaines que nous aurions à entreprendre. Il fallait donc envisager certaines considérations diplomatiques et prévoir, notamment, les complications qui se sont produites en Orient. Or, la masse des marins sur lesquels portait la mobilisation était forcément instable. Ainsi que l’écrivait M. Barbey, ministre de la Marine, le 21 février 1891 : « Les gens de mer forment une population absente et insaisissable dans son ensemble à un moment donné ; aussi, à l’heure des grands et suprêmes appels, lorsque le salut public exige le concours instantané de tous les hommes disponibles, ne trouve-t-on sous la main qu’un tiers, qu’une moitié de la population. » Il fallait que l’Etat-major général tînt compte de cette mobilité des inscrits maritimes, qui constitue la principale difficulté de leur utilisation militaire. Si l’Angleterre ne s’était pas rangée à nos côtés, on pouvait craindre notamment qu’une grande quantité de marins fût retenue dans des ports neutres,