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dans lequel se recrutent le plus grand nombre des inscrits, possède des qualités d’endurance remarquables ; mais leurs rangs renferment une proportion d’illettrés considérable. Sur un cuirassé de l’escadre de la Méditerranée, où les inscrits figuraient cependant en petit nombre, j’en ai compté jusqu’à 15.

Je ne veux pas médire des pêcheurs, ce sont des âmes frustes et disciplinées ; quand on fait appel à leur dévouement, on est sûr d’être entendu ; je puis dire, cependant, que leur passivité même est un obstacle à leur éducation navale, telle qu’elle doit être entendue actuellement. J’ai été frappé, à l’école élémentaire, où je les ai observés, de constater combien ils étaient parfois réfractaires à toute idée de progrès. Leur passage dans nos escadres n’est pas suffisamment prolongé pour qu’ils aient le temps d’ouvrir leur esprit aux idées nouvelles. Ils accomplissent passivement les gestes qu’on leur ordonne, comme des rites sacrés : ils ne cherchent pas, assez souvent, à en comprendre la signification.

Au contraire, les jeunes recrues, qui ont embrassé librement le métier de la mer et qui sont choisis dans une élite industrielle, arrivent sur les navires impatiens de naviguer, curieux de s’initier au mystère de la Marine. En peu de temps, ils s’adaptent à ce métier nouveau et ils font preuve d’une bonne volonté et d’un enthousiasme dont on peut profiter.

Il résulte de ce que nous venons d’exposer que, depuis trois ans environ, la marine militaire devait faire appel, pour plus de moitié, au contingent terrestre, et que cette proportion tendait à augmenter. Non seulement l’Inscription maritime n’apparaissait plus comme le mode exclusif de recrutement de nos marins, mais encore elle perdait de plus en plus de son importance à ce point de vue. Elle continuait cependant à fournir le noyau des matelots professionnels et les hommes rudes qui sont toujours nécessaires pour composer nos équipages de gabiers, de timoniers, de chauffeurs et de servans. Elle était le bras, sinon le cerveau, des équipages.

Cependant, comme notre flotte de première ligne naviguait en temps de paix avec des effectifs sensiblement égaux à ceux qui étaient prévus pour la période de guerre, nos navires n’ont eu à faire appel que dans une faible limite aux réservistes, à quelque source qu’ils appartinssent. D’après les règlemens communs à la Guerre et à la Marine, les conscrits qui avaient