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fondé, pour s’y retirer, les monastères de Kinkakuji (les terrasses d’or) et de Ginkakuji (les terrasses d’argent), qui subsistent encore dans Kyoto, et d’où ils continuaient à gouverner, tout en se livrant à la méditation. Ces retraites, assez bien conservées, sont de jolis pavillons, d’une fine architecture, entourés de beaux jardins, dont les shoguns, devenus moines, avaient fait, en même temps que le siège de leur gouvernement des temples et des lieux de recueillement, de véritables musées et écoles d’art. À cette date, la dynastie mongole de Chine avait été renversée et remplacée par la dynastie nationale, vraiment chinoise, des Ming. Les relations, interrompues depuis le XIIIe siècle, se rétablirent pour un temps entre le Japon et la Chine. C’est alors que le Japon connut la culture de la dynastie qui avait précédé les Mongols, celle des Song, qui servit de modèle aux Ashikaga. Des artistes chinois étaient venus au Japon enseigner leur art dans les temples Zen de Kyoto, au Tofukuji, au Daitokuji, et dans le monastère même de Yoshimitsu. Des artistes japonais, d’autre part, ainsi que le fameux Sesshu, s’étaient rendus en Chine, à la Cour des Ming (de 1465 à 1469). Mais, et quels qu’aient été les emprunts faits aux écoles chinoises dont les œuvres affluèrent alors au Japon, l’école des Ashikaga resta profondément originale. Les peintres japonais de ce temps, comme les artistes chinois de la dynastie des Song, s’adonnent surtout au portrait et au paysage, et, comme eux, ils font usage de la manière noire, de l’encre de Chine, plus que de la couleur. — Mais les portraits et les paysages eux-mêmes gardent l’empreinte nationale. C’est la grande époque et école des Sesshu, des Sesson, des Noami, des Soami, des Masanobu, des Motonobu. Les portraits de cette date, sobres, sévères, expressifs dans leur manière notre et leurs costumes raides, évoquent un peu la manière de nos peintres français de l’école des Clouet. Les Ashikaga eux-mêmes, dévots et raffinés, ont quelque chose de nos derniers Valois. — Okakura signale, parmi les caractères les plus significatifs de cette période, la renaissance de la musique nationale et le grand développement des représentations de No, c’est-à-dire de cette sorte d’opéra japonais, dont l’inspiration est bouddhiste, où se mêlent la déclamation, la musique instrumentale et la danse mimée, et qui est resté la forme la plus haute, la plus artistique du théâtre nippon. C’est aussi la date où furent poussées à leur