— Que faites-vous là ? Seriez-vous capable d’improviser des vers dans ce site pittoresque.
— Quelle idée ! J’ai des soucis plus graves. J’étais en train tout simplement de noter mes courses de demain en divers points de l’Alsace. Il faut que j’aille à Schlestadt, à Mulhouse et à Saverne.
— Chez vos malades ?
— Non. Nous organisons dans ces villes des réunions littéraires et de petites écoles privées pour l’enseignement populaire de la langue française.
— Des écoles clandestines alors ?
— Pas précisément, disons ésotériques, pour me servir de votre langage.
— À la bonne heure ! Toujours au travail pour la grande cause. Mais le hasard a voulu que je vous saisisse au vol ; je vous tiens et ne vous lâcherai pas. Au lieu de passer votre après-midi à Saint-Jacques, vous allez monter avec moi à Sainte-Odile, où nous coucherons, après une halte au Menelstein.
— J’accepte, me répondit le docteur Bucher, d’autant plus qu’une fois là-haut, j’aurai un grand service à vous demander.
— Tant mieux ! ajoutai-je.
— Ne vous engagez pas à la légère ; ce sera peut-être plus sérieux que vous ne pensez.
— Qu’importe ! Je me fie à vous, car je vous connais. Vous êtes le chevalier obscur d’une idée sublime. Si vous demandez quelque chose aux autres, ce ne sera jamais que pour Elle ! Vous obéir me portera bonheur, quoi qu’il m’en coûte. Alors je promets d’enthousiasme !
— Toujours dans votre nuage, dit mon ami avec un fin sourire ; mais, pour cette fois, j’y monte avec vous. Partons.
Et nous nous remîmes en route dans la forêt ombreuse, sous le soleil brûlant de midi.
II. — LE MUR PAÏEN
Le ciel s’élargit entre les sapins. La forêt se change en parc et s’ouvre sur un large vallon. Voici, sur un petit plateau, l’hôtel Saint-Jacques, avec sa terrasse et une superbe échappée vers la plaine. En arrière, au fond de la ravine, se dresse en