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à 200 millions de francs, qui ne sont exigibles qu’en 1920, lors de l’expiration du privilège de la Banque. Le service rendu par elle aux finances publiques avait été considérable : avec une grande sagesse, le gouvernement comprit qu’il ne fallait pas user en temps de paix du crédit de l’institut d’émission, mais le ménager comme une de nos meilleures réserves de guerre. Il aurait même dû, selon nous, s’abstenir de lui demander les 200 millions dont nous venons d’exposer les origines et qui ont servi en partie à l’État à fournir des avances aux Caisses de crédit agricole. Nous voyons en ce moment combien cette prudence était justifiée et combien il était nécessaire de laisser intactes, pour les jours d’épreuve, l’intégrité des forces de la Banque.

La Banque de France n’avait d’ailleurs fourni au gouvernement qu’une partie des fonds dont il avait besoin. Dès le début du mois d’août 1870, M. Magne, alors ministre des Finances, émit un emprunt de 800 millions de francs en rente 3 pour 100, au prix de 60 fr. 60. Pour obtenir cette somme, il avait fallu créer un capital nominal de 1 327 millions. Au mois d’octobre suivant, le gouvernement de la Défense nationale fit négocier à Londres, par M. Clément Laurier, un capital de 250 millions de francs en rente 6 pour 100 amortissable : cette opération est restée connue dans l’histoire sous le nom d’emprunt Morgan. On sait que cette maison se trouve de nouveau étroitement mêlée à nos finances de guerre en 1914-1916. C’est par son intermédiaire que le gouvernement français achète les fournitures qu’il fait venir des Etats-Unis ; c’est elle qui s’est mise à la tête du syndicat américain qui a acquis les titres de l’emprunt anglo-français émis à New-York, au mois d’octobre 1915. L’opération de 1870 avait été onéreuse pour l’emprunteur, qui dut payer un taux de 7,42 pour 100 et se reconnaître débiteur d’un quart de milliard, alors qu’il ne recevait que 202 millions.

Dès 1875, M. Léon Say fit disparaître le type 6 pour 100 de notre Grand Livre, en donnant, en échange de chaque obligation de l’emprunt Morgan au capital de 500 francs et d’une soulte en espèce de 144 francs, 30 francs de rente 3 pour 100 perpétuelle.

Les négociations que nous venons de rappeler avaient tout juste suffi pour couvrir les dépenses de la campagne. Aussitôt