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recours aux emprunts, selon le système de Necker. Il en créa pour 100 millions dès le mois qui suivit son entrée aux affaires, 125 millions en décembre 1784, 80 millions en décembre 1785, chaque fois au taux de 5 pour 100. Afin d’attirer les souscripteurs, il leur promit des avantages extraordinaires, tels qu’un remboursement en vingt-cinq ans avec accroissement annuel, de 15 pour 100 par an les trois premières années, de 20 pour 100 pour les trois suivantes et ainsi de suite jusqu’à 45 pour 100 pour les trois avant-derniers tirages ; le dernier devait donner une prime de 100 pour 100. Des primes, allant jusqu’à 150 000 livres, étaient promises aux obligataires de l’emprunt de 1785, qui avaient la faculté de demander, en échange du capital que le sort leur aurait attribué, des rentes viagères à 9 pour 100. Toutes ces rentes devaient être exemptes de toutes retenues et impositions généralement quelconques et ne pourraient jamais être réduites ni diminuées en aucun cas ni pour quelque cause que ce pût être. En dehors des emprunts directs, Calonne eut recours à d’innombrables expédiens : il se fit consentir par le clergé une avance de 18 millions, verser 12 millions par les administrateurs des domaines pour rachat de leur charges, remettre 70 millions à titre de cautionnement par la Caisse d’escompte ; il contracta, par l’entremise des pays d’Etat, divers emprunts. De tout cela le ministre tira plus de 650 millions de ressources extraordinaires.

C’est sous l’administration de Calonne que fut constituée la Tontine d’Orléans, en vertu de lettres patentes du 27 novembre 1785. Le duc d’Orléans était autorisé à constituer une société de 6 000 actions de 1 000 livres : à chacune était attribuée une rente viagère de 40 livres, qui s’accroissait, à mesure du décès de chaque rentier, au profit des rentiers survivans, le dernier devant jouir de 240 000 livres de rente. L’opération du tiers consolidé réduisit ce chiffre à 80 000 livres : l’annuité a été payée jusqu’en 1883 à une survivancière, qui avait réuni sur sa tête toutes les rentes du début.

En dépit de ces expédiens, le gouffre se creusait. Dans son mémoire du 20 août 1780, Calonne avouait au Roi la situation vraie des finances et demandait la convocation d’une assemblée des notables, à laquelle il exposa tout un plan de réformes, comprenant notamment l’établissement d’une contribution territoriale, la liberté du commerce des grains, la suppression des