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donné, dans le monde contemporain, un aspect particulier au problème des dettes publiques. Mais l’existence de celles-ci n’est pas un phénomène récent. On peut remonter haut dans l’histoire et y trouver à chaque page la trace d’opérations financières par lesquelles les gouvernemens se procuraient des ressources. Les républiques de la Grèce antique[1], la Rome impériale, eurent souvent besoin d’emprunter. L’ancienne monarchie française, à maintes reprises, fit des avances aux nations étrangères, auxquelles elle était alliée, et qui combattaient pour sa politique ; mais elle empruntait elle-même à ses propres sujets. Les rentes sur le Trésor et sur l’Hôtel de Ville jouaient un rôle important dans la vie économique de nos pères. Il arrivait que les arrérages n’en fussent pas toujours régulièrement payés. On a souvent cité les vers de Boileau :


… plus pâle qu’un rentier
A l’aspect d’un édit qui retranche un quartier.


En vertu du droit du plus fort, l’Etat débiteur supprimait parfois un ou plusieurs trimestres de l’annuité qu’il s’était engagé à verser régulièrement et intégralement entre les mains de ses bailleurs de fonds. A mesure qu’on avance dans l’étude de notre histoire, aux XVIIe et XVIIIe siècles, on trouve le Trésor en proie à des difficultés croissantes ; on voit les déficits grandir sans cesse, les ministres avoir recours à des expédiens de plus en plus dangereux, si bien qu’on a pu dire que le désordre financier n’avait pas été une des moindres causes de la Révolution de 1789.

L’habitude d’emprunter était beaucoup plus invétérée chez nos rois qu’où ne le croit généralement. En 1287, Philippe le Bel enjoignait à son trésorier de procéder au remboursement d’emprunts contractés antérieurement par lui dans la généralité de Rouen ; en 1299, il agissait de même en Saintonge. Son successeur, Louis le Hutin, formule de nombreuses demandes de prêt, qu’il promet de rembourser en affectant à leur sûreté certains revenus de la couronne. Le 4 juin 1315, envoyant des délégués conclure une opération de ce genre à Lyon, il les autorise à assigner aux souscripteurs tous les exploits,.émolumens et revenus de ladite sénéchaussée.

  1. Voyez notre communication à l’Académie des Sciences morales et politiques de 1911.