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rendent pas compte du sérieux de la situation. Nous savons que la défaite ou une paix équivoque (inconclusive) signifie pour nous non seulement la perte de prestige comme nation et la certitude que le conflit se rouvrira dans peu d’années, mais la ruine de ces libertés personnelles et de ces privilèges qui vous ont demandé des siècles d’efforts à conquérir.

« La responsabilité de la victoire ou de la défaite repose sur ceux qui n’ont pas encore répondu à l’appel. C’est pourquoi rejoignez comme volontaires, pour la défense de votre pays. »

Cependant, le chef du gouvernement, M. Asquith, ne cachait pas sa répugnance pour la conscription. Quant au présent ministère de coalition, tout comme l’ancien Cabinet libéral, il se trouvait divisé sur cette grave question, avec une faible majorité en faveur du volontarisme ; mais les personnalités les plus marquantes se rangeaient dans la minorité pour le service obligatoire. Il semblait donc que l’avis de lord Kitchener dût l’emporter et son opinion régler celle du gouvernement tout entier. Or, le 2 octobre, à une assemblée des membres du Labour Party, le chef du War Office, tout en affirmant ses préférences pour le voluntary System, qui, entre ses mains, s’est montré un instrument remarquable, déclarait que le taux du recrutement journalier ne correspondait plus aux besoins crois-sans des armées en campagne et devenait impuissant à combler les brèches.

Aussi avait-il esquissé un plan personnel pour appliquer le système du balloting, frappant chaque district d’une contribution en hommes, fixée à un certain quantum, qu’il s’agirait d’atteindre soit par volontaires, soit par compulsion ; en somme, une sorte de réquisition d’hommes, mais où la responsabilité et les mesures d’enforcement seraient laissées à la charge des autorités locales du comté.

C’est un système du même genre qui fut appliqué en 1809 par lord Castlereagh, nous l’avons vu, pour le recrutement des bataillons de milices.

Il en fut de même plus tard aux États-Unis, à l’instigation du président Lincoln, dès la deuxième année de la guerre civile. Le recrutement par volontaires avait fléchi considérablement. A l’appel de 300 000 hommes en août 1862, 86 000 seulement avaient répondu ; les meilleurs et les plus braves étaient partis ; les moins braves s’effrayaient des rigueurs de la