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d’amende pour insultes à l’Armée. Son compagnon, ayant protesté, fut arrêté également et condamné à trois mois de hard labour. »

— Enfin tous les faits de guerre intéressant directement la population du Royaume-Uni sont naturellement exploités par les recruteurs pour dénoncer la barbarie allemande et démontrer la nécessité d’y mettre un terme. Citons l’automne dernier le bombardement des villes ouvertes Scarborough et Hartlepool, les 26 raids nocturnes des pirates aériens du comte Zeppelin tragiquement baptisés les tueurs d’enfans (bahy killers), les méfaits des sous-marins allemands et plus récemment la froide exécution de la nurse Cawell. C’est ainsi que l’on a pu dire que les meilleurs auxiliaires de lord Kitchener dans sa tâche gigantesque de chef recruteur étaient — après M. Hedley Le Bas, l’auteur des affiches militaires du War Office — le comte Zeppelin, l’amiral von Tirpilz, le Kayser lui-même et l’anonyme assassin de l’infirmière héroïque.

Restent enfin les argumens positifs, la perspective des avantages matériels accordés aux soldats volontaires et à leurs familles, — que les recruteurs ne manquent pas de faire miroiter.

La solde du Tommy anglais atteint de 1 fr. 20 à 1 fr. 50 comme argent de poche : et l’on sait qu’il perçoit en nature pour son alimentation de fortes rations en viande, lard salé, fromage, légumes, sans compter le sucre, le thé et, spécialité de l’armée anglaise, la confiture, le tout constituant un ordinaire excellent. Quant à la famille du soldat marié, elle perçoit des indemnités dont le montant élevé lui permet non seulement de vivre largement, mais apporte une véritable prospérité dans les classes ouvrières pauvres ou dans les districts ruraux. La separation allowance atteint en moyenne une livre sterling par semaine pour une mère et trois enfans. Dans bien des cas, celui des ouvriers agricoles par exemple, qui ne gagnent pas plus de 18 shillings par semaine, l’allocation dépasse le salaire normal du père, et comme celui-ci, absent, n’est plus à entretenir, il en résulte pour la famille une source de profits appréciable. De plus, des femmes, des filles, des garçons, qui ne réussissaient pas à s’employer dans l’industrie en temps de paix, trouvent aujourd’hui facilement de l’ouvrage bien payé. Enfin, dans un grand nombre de villages, les familles bénéficient du