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servir dès la première heure des hostilités, pour appuyer les troupes de couverture et attacher au sol les forces chargées de tenir sur les secteurs défensifs. Dans la phase d’organisation où nous sommes entrés, on prépare tout à l’avance. L’agresseur veut donner son effort maximum aux premiers jours de la lutte. Il faudra que son adversaire soit prêt à le recevoir en n’ayant plus rien à improviser. Ou se sera prémuni de tout ce qui peut être fait d’avance.

Nous sommes donc amenés à supposer que, dès le temps de paix, des lignes de tranchées seront établies devant les frontières, avec tous les perfectionnemens possibles. De quel avantage ne nous eut pas été un semblable système de retranche-mens au lendemain de Charleroi, pour barrer momentanément la route à l’envahisseur et nous permettre de reconstituer nos forces sur la Somme, et non sur la Marne !

Essayons de nous figurer la forme parfaite d’une telle organisation. Une sorte de rempart entourant un pays entier se renforce d’épaisses murailles de béton armé, de lourds masques d’acier, de pilastres, de talus. Le réseau de fil de fer en permanence tendu sur les glacis est un véritable et inextricable tissu, composé pour partie de bandes de toile métallique barbelée. Il se développe sur un terrain miné et suivant un tracé savant, avec des forts aux angles et des feux d’enfilade. L’artillerie lourde est partiellement en place et des plates-formes sont préparées pour le surplus. Des groupes de mitrailleuses restent sous des abris en casemate, de distance en distance, ou bien, réunis à l’artillerie légère, se tiennent prêts à franchir instantanément les quelques kilomètres qui les séparent de leurs postes. Ceux-ci ont été fixés d’avance, ainsi que la disposition des troupes d’occupation, dans les deux ou trois hypothèses correspondant aux plans les plus probables.

Pour tenir des lignes aussi formidablement organisées, il suffit sans doute d’une forte troupe de couverture ; elle doit être assez nombreuse pour mettre en action les principaux moyens de lutte, car la puissance défensive de la tranchée est active, non passive. Les masses de manœuvre seront produites par la mobilisation. L’étendue des frontières est assez grande pour exiger en permanence la presque totalité de l’armée active. En cas de tension politique sur un seul front, les garnisons des frontières non menacées serviront de noyaux aux réserves.