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nouvelles et des faiblesses anciennes de la balle, qui ne laisse plus circuler personne hors de la tranchée, mais qui n’atteignait et n’atteindra jamais personne au dedans.

La guerre des tranchées, c’est donc la guerre des balles. On aperçoit déjà ce qui va y mettre fin : la guerre d’obus. Qu’il soit lancé par canon ou par avion, l’obus tue dans la tranchée ainsi qu’au dehors, mais moins bien. Ses effets sont limités par les traverses pare-éclats. On arrivera sans doute à projeter des gerbes linéaires d’éclats tombant de haut, plus efficaces contre ces hommes enterrés en autant de trous séparés. Une pluie de fléchettes, longeant le front, ferait encore mieux l’affaire.

Déjà, néanmoins, l’artillerie rend les simples tranchées parfois intenables ; elle empêche les rassemblemens en arrière qui permettraient des assauts de vive forcée Si l’artillerie était protégée des obus par ses épaulemens ou son défilage comme le fantassin des balles par son talus, la situation n’aurait d’autre issue que celle de la guerre de mines, qui est lente.

Mais l’artillerie détruit de loin l’artillerie et tout se résout en un duel de bouches à feu, premier acte nécessaire avant que l’obstacle des tranchées puisse être levé. Il le sera ensuite aisément, quand une des deux artilleries aura nettement triomphé. L’intérêt offert par la tranchée est de retarder obligatoirement la décision jusqu’après le duel d’artillerie.

La durée de cette phase préalable est plus ou moins longue. Les petits calibres, qui s’adressent de près un grand nombre de coups, se réduisent aisément au silence : une batterie repérée est détruite ou obligée de déloger. Au contraire, les gros canons, tirant de loin, ont peu de chances de se toucher réciproquement : une pièce est un but trop précis pour un tir à 20 kilomètres. Leur entrée en ligne est donc une menace d’immobilisation des fronts. Il faudra que la petite artillerie à tir rapide soit assez multipliée pour faire son œuvre en bravant leur feu et charge sur eux jusqu’à la distance où ils tomberont sous le sien. Mais leur mise hors de cause sera surtout la tâche des escadres aériennes.

Ainsi nous savons maintenant que la puissance de la défensive est principalement due à l’emploi des armes offensives. Ce qui rend inviolable une ligne de tranchées, c’est le nombre des mitrailleuses qui y sont abritées pour empêcher de rapprocher