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il faudra toujours que la masse principale de l’armée soit composée par l’infanterie et réduite aux armes portatives. Notons que la proportion actuelle a déjà été atteinte avant la Révolution, avec des bouches à feu individuellement beaucoup moins puissantes.

En réalité, l’extension du machinisme sera plus grande encore, et l’on peut dire que la moitié des hommes finiront par être des sortes de canonniers, de vrais mécaniciens de mort : car le lance-bombes et la mitrailleuse, qui sont des armes de l’infanterie, constituent une véritable artillerie de tranchées.

Il existe des lance-bombes de différens modèles : les uns sont de petits obusiers très courts, se chargeant par la bouche et lançant une « marmite » ou un obus sphérique, le « crapouillot ; » les autres, analogues aux canons porte-amarres de la marine, lancent une espèce de flèche, coiffée à son extrémité, au dehors de la bouche du canon, d’une grosse bombe ou torpille aérienne. La flèche reste en arrière et tombe à petite distance ; la torpille franchit les quelques centaines de mètres qui séparent les tranchées adverses. Elle porte, dans une enveloppe mince, parfois plus de 60, près de 100 kilogrammes d’explosif.

La mitrailleuse ne tire que des balles de fusil, mais elle en débite, au besoin, 900 par minute. La meilleure allure est un peu plus modérée et correspond à 300 ou 400. Un mitrailleur vaut à lui seul 80 fusils. Nous sommes partis en guerre avec une section de mitrailleuses, soit deux mitrailleuses, par bataillon, les Allemands avec quatre fois autant. Nous-mêmes augmentons beaucoup notre armement. La mitrailleuse a la portée du fusil, de 2 400 à 4 000 mètres, suivant les modèles. En pratique, on ne gaspille pas ses munitions en tirant à grande distance, et c’est à moins d’un kilomètre, et le plus souvent presque à bout portant, qu’on utilise la terrible pompe à balles.

Comme le lance-bombes, la mitrailleuse doit être transportable à bras. Elle pèse une vingtaine de kilos. Il faut deux hommes pour la déplacer. On en garnit les angles des tranchées, les fortins improvisés ; on en flanque l’arrière des lignes, de façon à arrêter net toute offensive ennemie ayant réussi à franchir les premiers obstacles. Il semble que leur nombre s’accroîtra encore considérablement. On arrivera ainsi à une