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comme la Belgique ou.la Hollande, large de quelque 200 kilomètres, verra la moitié de son sol sous la gueule des canons étrangers pointés par-dessus la frontière.

L’obusier lourd allemand de 280 millimètres tire un projectile de 340 kilogrammes, contenant 17 kilogrammes d’explosif ; le projectile de l’obusier du Creusot du même calibre en contient 40 kilogrammes, bien qu’il ne pèse que 275 kilogrammes. L’obus de 380 millimètres de la Queen-Elisabeth arrive au poids de 885 kilogrammes, dont environ 100 kilogrammes d’explosif, le canon allemand de 406 à 940 kilogrammes. L’explosion de pareils engins, qui produiront les effets de véritables petits volcans artificiels, pulvérisera tous les parapets de béton et toutes les coupoles cuirassées des forts. Et la surface habitée qui, pour son malheur, tombera sous le feu des canons monstres, sera rasée et mise en miettes jusqu’aux fondations.

On a annoncé des torpilles aériennes, sortes de petits dirigeables chargés d’explosifs et mus, sur un parcours limité, par un moteur à air comprimé, par exemple. Il en existerait qui, grâce à un appareil récepteur de vibrations hertziennes, obéiraient à la direction des artilleurs qui les ont lancés. C’est la solution du problème de la télémécanique. On conduirait ainsi le projectile, comme avec la main, jusque sur l’ennemi. Tous les systèmes analogues, si séduisans en apparence, ont le même défaut : l’homme qui dirige doit voir. Il faut donc que la torpille soit bien visible et assez lente. Mais l’adversaire, dont elle s’approche, finira par la voir beaucoup mieux encore et pourra la détruire ou troubler son mécanisme de direction.

Alors que la grosse artillerie grandit, le petit canon diminue sans cesse. Le 75 est un admirable joujou. On fait plus mignon encore pour les autos. L’obusier de tranchée, nouveau venu dans la famille des bouches à feu, ne lire qu’à 300 ou 400 mètres. Le canon s’adapte à tous les besoins et à toutes les distances.

En même temps, il se multiplie. Quinze mille canons au moins s’alignent face à face le long de notre front pour un effectif total de cinq millions de combattans. On en est donc à une pièce pour un peu plus de 300 hommes armés. La proportion de l’artillerie ne fera sans doute qu’augmenter, et l’on arrivera peut-être à une pièce pour moins de 100 hommes. Mais