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était fermée. Certes les progrès en nombre et en puissance individuelle continueront : en particulier, on est loin de la limite de charge de la torpille. Mais il restera au sous-marin deux tares inguérissables : sa faiblesse et sa myopie. Elles le condamneront toujours à se cacher devant le cuirassé. Celui-ci trouvera des auxiliaires dans les aéroplanes à marche lente, s’il en existe jamais, ou dans des dirigeables spéciaux, au besoin s’accrochant à la surface marine par une ancre flottante. Des escadrilles aériennes le flanqueront à droite et à gauche, le précéderont, l’entoureront. On sait que le regard, plongeant verticalement, aperçoit les sous-marins en immersion. Une fois vus, ils seront suivis, et des torpilles plongeuses, tombant du ciel, iront les détruire sous les eaux.

Le progrès du mécanisme universel ne fera qu’accroître l’importance de la puissance navale. D’une part, la valeur des flottes de commerce et l’utilité du trafic maritime, d’autre part la force des expéditions de débarquement se développeront avec le mécanisme. Nous sommes dans une période où la capacité des transports par-dessus la mer ne correspond pas encore aux effectifs mobilisables. Mais ceux-ci sont voisins de leur limite extrême. Un peuple pourra quelque jour jeter sur une côte lointaine, d’un seul coup, toute son armée. C’est comme auxiliaire, ou si l’on veut comme intermédiaire de la guerre terrestre que la guerre maritime aura toujours son principal intérêt. La suprématie de l’action terrestre ne saurait faire de doute : par elle seulement on atteint la nation ennemie dans son sol et dans sa chair. Mais pourquoi opposer les deux formes de puissance militaire : elles sont destinées à s’appuyer l’une l’autre !

Nous ne pouvons pas oublier que le bateau a d’autres voies que les voies maritimes. Des sous-marins allemands circulent par les canaux belges. Sur l’Yser, nos canonnières ont joué leur partie dans le grand concert de mort. Les canaux se multiplient dans les pays à population dense. Ils ont leur place marquée pour donner passage aux chargemens pondéreux. Le matériel de guerre les utilise avec avantage. Un seul chaland porte beaucoup d’obus ou de provisions. On n’a pas jusqu’ici créé de type de navire de combat spécialement fait pour les canaux. Il n’est pas dit qu’on ne préparera pas du moins des bateaux aisément adaptables aux conditions de la navigation intérieure et à son emploi militaire.