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les deux coques sera en libre communication avec la mer. Ce système entraîne pour le bateau une augmentation de poids, de largeur et de frottement. Il oblige à faire des sacrifices sur la vitesse et à accroître les tonnages. Mais la sécurité vaut qu’on y mette le prix.

Ainsi équipé, on doit croire que le cuirassé subsistera. Ses raisons d’être sont de celles qui s’imposent. Il représente la force. Il joue sur mer, au milieu du peuple innombrable des navires, le rôle du policeman sur la place publique. Il commande la mer et le rivage ; c’est-à-dire qu’il les interdit ou les laisse ouverts aux transports de troupes, de commerce et d’approvisionnement des États belligérans. Ces instrumens d’action appliquée, faibles par eux-mêmes, rechercheront toujours la protection d’escortes spécialisées. Les escortes se heurteront à des armées plus puissantes. Et l’unité qui dominera les autres unités navales aura le dernier mot. La maîtrise de la mer reste la condition préalable de toute entreprise maritime en temps de guerre.

L’ennemi le plus redoutable du vaisseau de ligne sera sans doute l’aéroplane, laissant tomber des bombes sur ses coupoles et ses ponts blindés. Là encore, la fumée, en couvrant le cuirassé, peut le sauver. Quant au sous-marin, rien n’autorise à penser qu’il fera disparaître son adversaire de la surface des mers. Beaucoup l’ont cru ; les hauts faits des sous-marins allemands ont exagéré l’estime où on le tient, peut-être un peu tardivement. Mais le principe du sous-marin est essentiellement défensif. Tout en lui se subordonne à la protection par l’eau ! C’est sur ce thème qu’il est construit. Et s’il conserve une valeur offensive, c’est que cette protection le soustrait aux regards en même temps qu’aux coups, et lui apporte ainsi accessoirement un élément actif : la surprise. Le cuirassé, au contraire, est l’application même du principe offensif. Il est fait d’abord pour porter des armes, canon et torpille, dans leurs meilleures conditions d’emploi ; il se protège ensuite du mieux qu’il peut, par des cuirasses de métal. Il bénéficiera toujours de la supériorité de l’offensive.

Le sous-marin est aujourd’hui, techniquement, en avance sur le cuirassé, aussi bien que sur les combattans de l’air : de là son succès momentané. Si, au lieu de 30 ou 40 sous-marins, les Allemands en eussent possédé dix fois plus, la mer nous