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l’organisation, qui ne se heurte à aucune impossibilité théorique, d’un tir indirect indépendant de toute vue du rivage. À terre, on atteint aisément un objectif caché, si l’on connaît son rapport géographique avec un autre point visible : on pointe sur celui-ci, au travers d’une hausse faisant, en vertu d’une correction calculée à l’avance, l’angle voulu avec la vraie ligne de tir de la pièce. Il s’agirait, dans le cas qui nous occupe, de réaliser, sur le bateau-tireur lui-même, un but fictif, dirigé d’après la carte et rectifié sur les indications de l’observation aérienne. Seulement, il faudrait le soustraire aux mouvemens de roulis du navire et compenser les déplacemens angulaires dus à la marche. Les propriétés du gyroscope en donnent les moyens. Il ne resterait plus au pointeur qu’à ramener sans cesse sa ligne de mire sur le but fictif et à faire feu au moment de la coïncidence.

Contre un bateau ainsi mobile et caché, les artilleurs des forts ne sauraient où tirer, tandis que les marins, connaissant par ailleurs la forme immuable des terres et leur propre position par rapport à elles, seraient toujours à même de tracer l’épure qui orienterait leurs coups.

Les mines et les torpilles sont aussi des adversaires redoutables du cuirassé. On sera pourtant, quand on le voudra, moins désarmé qu’on ne croit à leur encontre. Les mines fixes, reliées à une ancre par un câble, peuvent être écartées par une filière extérieure au bateau ; et d’ailleurs on les drague. Les mines flottantes, comme les torpilles automobiles, nécessiteront une protection plus gênante, mais réalisable. Aucune paroi ne résisterait au choc direct de leur explosion. La simple cuirasse sous-marine ne suffit donc pas. Il faut la faire précéder d’un matelas d’amortissement. Et pour que l’équilibre du navire ne soit pas changé, lorsqu’une grande partie de ce matelas sera défoncée par l’explosion et ouverte à l’eau, il semble indispensable que l’eau y pénètre en tout temps. Nous arrivons ainsi à envisager la protection par une couche d’eau, superposée à une cuirasse métallique.

Le problème consiste à faire exploser la torpille à distance de la vraie coque, sur une ceinture externe, écartée de deux ou trois mètres par exemple. Au lieu d’un filet Bullivant mobile, qui ne peut rester en place pendant la marche, le cuirassé portera une sorte de seconde coque en tôle. L’intervalle entre