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en plus dans ses forces vives. Aucune nation désormais ne peut se passer longtemps des autres. Le blocus interviendra presque toujours pour étouffer quelqu’un des belligérans et pour les gêner tous. On a vu, il y a un siècle, on vient de revoir le blocus réciproque entre l’Angleterre et une Puissance continentale. Par le blocus, chaque pays est, en son entier, mis dans l’état d’une ville assiégée. C’est là un des effets de la solidarité croissante entre la population civile et les armées mobilisées.

L’appropriation des chemins de fer aux usages de guerre ne se limite pas au tracé du réseau : elle s’étend à l’aménagement des gares, à leur multiplication, à celle des voies, à la défense des ouvrages d’art, à l’abondance du matériel roulant. On doit s’attendre à des extensions considérables sur tous les points. Quelle que soit l’importance prise dans les transports militaires par l’automobilisme et l’aviation, il est probable que la voie ferrée sera toujours l’instrument de choix pour déplacer certain matériel lourd.

Le wagon peut être adapté lui-même à des usages militaires. Nous avons des wagons-citernes, des wagons frigorifiques, des trains sanitaires ; et surtout nous avons des trains blindés et des affûts-trucks. On peut concevoir la mise en campagne d’un grand nombre de ces trains blindés, qui sont à l’abri des balles et portent des mitrailleuses et des canons légers. Leur inconvénient est celui de tout ce qui est lié à la voie ferrée : étroitesse et fixité du champ de déplacement, risques nombreux d’immobilisation. D’autre part, on ne peut pas pousser très loin le cuirassement des trains. Ils deviendraient trop lourds, sans pouvoir braver les obus, puisque ceux-ci les arrêteront toujours en endommageant les voies.

Aussi les chemins de fer rendront-ils des services peut-être plus précieux encore en amenant à pied d’œuvre les pièces monstres, trop pesantes pour être véhiculées autrement. Ils leur permettent de tirer sans être débarquées. On appelle affût-truck le chariot spécial portant la pièce et fait pour subir sans dommage la réaction du tir ; et l’on obtient ce dernier résultat en appuyant à terre, une fois l’affût arrêté, des supports qui se substituent aux roues. Ils transmettent au sol le choc, qui n’est donc point reçu par les rails. Nous avons des affûts-trucks pour presque tous les modèles de notre artillerie lourde, depuis