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sentimens tout pareils, et cela trop souvent, et aussi avec l’intention bien nette de nous blesser, ou de nous mortifier. Il est malheureusement certain que des imprudences ou des violences de langage ont été commises en chaire par des prédicateurs, que des paroles regrettables ont été prononcées par des confesseurs ou des directeurs de conscience. On n’en finirait pas, si l’on se mettait à en citer des exemples. Je m’en voudrais pourtant de ne pas rapporter celui-ci, qui est, à la fois, odieux et touchant… Une vieille religieuse française à l’agonie dit à son confesseur espagnol qu’elle offre ses souffrances à Dieu pour la victoire de la France. Sur quoi, le prêtre de se récrier : « Comment ! pour la France ? une nation impie, ennemie de Dieu et de son Eglise !…. Mais c’est un sacrilège, un outrage à la Majesté divine !…. » Comme elle est belle, la fidélité patriotique de la vieille sœur exilée, confrontée avec l’inhumaine goujaterie du confesseur !

Il faut mettre en pendant de cette histoire cette autre que voici, et qui me paraît non moins typique. Dans un collège dirigé par des religieux français, les fils d’un haut fonctionnaire, tous deux élèves de la maison, arrivent, un beau matin, arborant à leur boutonnière des médaillons à l’effigie de Guillaume II et du prince impérial allemand. Or, tous leurs professeurs étaient français et aussi le plus grand nombre de leurs condisciples. N’importe, ils tenaient à honneur de faire leur petite manifestation germanophile. Le supérieur de la maison dut les chapitrer vertement pour les empêcher de recommencer le lendemain. Notons que celui-ci risquait de se brouiller avec le père des deux jouvenceaux, personnage considérable, dont il a intérêt, comme étranger, à se ménager les bonnes grâces. Et notons aussi que, nos compatriotes étant plutôt rares en Espagne, ce sont nos religieux qui doivent y défendre l’honneur d’une patrie qui les condamne à l’exil perpétuel.

Ces sympathies hautement affichées et, souvent, — on vient de le voir, — au mépris des plus élémentaires convenances, ne font que traduire l’admiration profonde, l’admiration béate de la grande majorité des Espagnols pour l’Allemagne. Ces admirateurs sont surtout nombreux dans l’armée, cela va sans dire, parmi les industriels, les ingénieurs, les techniciens de toutes spécialités, qui ont étudié dans des écoles ou suivant des méthodes allemandes. Cependant, on compte parmi eux un certain nombre d’écrivains, d’intellectuels, d’hommes