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qu’on pouvait tirer de Salonique. Et quand bien même on ne pourrait en tirer aucun, encore fallait-il s’en assurer.


Que de pensées diverses se pressent en ce moment dans nos esprits ! Voilà dix-sept mois que nous sommes en guerre, sans que personne puisse dire pendant combien de mois nous y serons encore. Si le gouvernement allemand a voulu que le mot de paix retentit à la tribune du Reichstag dans l’espoir qu’il trouverait de l’écho ailleurs, il s’est trompé du tout au tout. Le mot n’a pas porté parce que la chose était prématurée. Une grande incertitude, non pas sur le dénouement, mais sur les péripéties et sur la durée de la guerre, continue de peser sur nous, et les préoccupations qu’elle fait naître augmentent encore au seuil de cette année nouvelle, où nous ne pouvons même pas nous arrêter un jour pour nous y recueillir, car rien ne s’arrête dans le tourbillon qui nous entraîne et la mesure habituelle du temps n’a plus de rapport avec celle des choses au milieu desquelles nous vivons et nous mourons. Le 1er janvier ne saurait être une halte, encore moins un repos : ce n’est qu’une date. Mais comment cette date, où il y a tant de mystère, n’évoquerait-elle pas chez nous des réflexions empreintes d’une gravité particulière ? Il est à croire que l’année 1916 verra de très grands événemens, décisifs sans doute : puisse-t-elle finir mieux qu’elle ne commence ! En tout cas, elle laissera dans l’histoire du monde une trace que plusieurs siècles n’effaceront pas. Et c’est pourquoi nous en saluons l’aurore, malheureusement sanglante, avec une profonde émotion.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, FRANCIS CHARNUS