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socialistes devaient interpeller : après quelques jours pendant lesquels on est resté dans l’ignorance de ses intentions, le chancelier avait fait savoir qu’il répondrait. Et, en somme, pourquoi ne l’aurait-il pas fait ? On entretient l’opinion, en Allemagne, dans la pensée que la victoire est acquise et qu’elle est définitive. L’Allemagne n’occupe-t-elle pas huit départemens français, la Belgique, la Pologne, une partie de la Russie, la Serbie, la Macédoine ? le moment de conclure n’est-il donc pas venu ? Beaucoup le croyaient : aussi la séance du Reichstag avait-elle excité une grande curiosité ; la salle était au complet et les tribunes étaient combles ; les journalistes tenaient leurs plumes prêtes à recueillir des paroles importantes. Mais le chancelier n’a nullement fait connaître les conditions de la paix. — C’est aux Alliés, a-t-il déclaré, à faire des propositions ; l’Allemagne se diminuerait, si elle en faisait. — Pourquoi ? Il nous semble que c’est au vainqueur à dicter ses conditions : les choses se sont toujours passées ainsi. Les Alliés sont bien assurés d’être vainqueurs un jour, mais ils n’ont pas la prétention de l’être dès maintenant : dès lors, ils se taisent. L’Allemagne, au contraire, a la prétention d’être victorieuse : alors, que ne parle-t-elle ? Son silence donne à croire qu’elle n’est pas aussi sûre de la victoire qu’elle veut bien le dire, et c’est bien ce que nous pensons nous-mêmes. Elle a eu des succès, sans doute, elle a obtenu des avantages très appréciables, mais rien de tout cela n’est décisif, la campagne continue : voilà pourquoi l’Allemagne officielle se tait. Mais alors, pourquoi une séance qui devait être aussi vide a-t-elle été annoncée avec tant de fracas ? Est-ce seulement pour que le chancelier nous dise que plus la paix sera tardive, plus elle coûtera cher au vaincu ? Cela va de soi, et nous le pensons bien aussi de notre côté.

Il semble, en y regardant de près, que la séance du 9 décembre a appartenu beaucoup plus aux divers partis qu’au gouvernement, car si celui-ci n’a rien dit, ceux-là ont tous parlé, et peut être a-t-on voulu seulement leur donner l’occasion de le faire. Rarement séance avait été mieux préparée. Chaque parti a été représenté par un ou plusieurs orateurs, chargés de faire une déclaration au sujet de la paix. Les socialistes ont eu M. Schiedemann, M. Haase et M. Landsberg. Comment ne nous auraient-ils pas intéressés ? Ils ont surtout traité de l’Alsace-Lorraine, et toute la question a été pour eux de savoir s’il fallait, ou non, nous la restituer. La réponse négative a prévalu. » Nous repoussons, a déclaré M. Schiedemann, la pensée d’un retour de l’Alsace-Lorraine à la France sous quelque forme que ce soit. »