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motion d’ordre plus général pour en renvoyer l’application après la fin de la guerre. C’est le bon sens même, mais au moment où nous écrivons, la Commission du budget de la Chambre cherche un texte qui paraisse faire une concession au Sénat tout en maintenant sa décision première. Comme toujours, le Sénat cédera et nous aurons à payer l’impôt sur le revenu dès l’année où nous entrons. Le paiera du moins qui voudra : de l’aveu du Gouvernement, l’administration des contributions directes, dont le personnel est en partie mobilisé, n’est nullement outillée pour le percevoir. Les partisans les plus intelligens de la loi savent bien qu’on la compromet par une application intempestive ; mais les autres, les plus nombreux, ne veulent pas attendre davantage. Au fond, ils tiennent surtout à faire une manifestation qu’ils croient agréable à leurs électeurs, en quoi ils pourraient bien se tromper.

Si la loi est appliquée seulement pour la forme, comme c’est probable, elle ne produira rien ; si on fait effort pour l’appliquer réellement, le pays sera troublé, agité, dans un moment où il serait d’une sage politique de lui permettre de jouir au moins de la paix intérieure. Et ce n’est pas seulement la sagesse politique qui le conseille, c’est aussi la sagesse, la prévoyance financières. L’emprunt que nous venons de faire ne sera certainement pas le dernier. Qui sait si son succès n’a pas été en partie déterminé par la tranquillité qu’on a laissée au pays ? Pourquoi ne pas la lui laisser encore ? Le moment est mal choisi pour des expériences fiscales, et c’est, plus que jamais, le cas d’appliquer le vieil axiome : quieta non movere. Mais alors la Chambre se demande à quoi elle servirait.


Nous n’avons pas pu parler, dans notre dernière chronique, du discours que M. de Bethmann-Hollweg a prononcé au Reichstag pendant que nous écrivions, et bien qu’il soit un peu vieux aujourd’hui, il est trop intéressant pour que nous puissions n’en rien dire. Il aurait pu assurément l’être encore davantage, et même on s’attendait à ce qu’il le fût ; il a été, à quelques égards, une déception ; mais, tel qu’il est, il témoigne d’intentions qui méritent d’être relevées, bien que l’expression en soit restée assez obscure.

On s’attendait, disons-nous, à autre chose, et en effet depuis plusieurs jours le bruit avait couru qu’on traiterait au Reichstag des conditions de la paix. Le gouvernement avait refusé, jusqu’alors, non seulement d’en parler lui-même, mais d’en laisser parler : cette consigne allait-elle être levée ? On a pu le croire un moment. Les