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originel, dit la religion ; atavisme, dit la science, et lois inéluctables de l’hérédité : « L’histoire aussi nous apporte son témoignage. Valois, Bourbons ou Bonapartes, nos dynasties royales ont dû subir dans leur descendance la formidable nécessité de l’expiation. Expiateur du despotisme enfin puni d’un Louis XIV, des abominations justiciées d’un Louis XV, le pauvre petit Capet en sa prison du Temple ! Et dans les brousses du Zululand, un expiateur aussi, le misérable enfant impérial, cet héritier de tant d’impitoyables gloires ! » Il y aurait, à mon avis, plus d’une erreur à corriger dans ce jugement ; et il me semble que, parmi les lois scientifiques, les lois dites de l’atavisme ou de l’hérédité sont de celles qui n’ont pas encore trouvé leur formule exacte et bien décisive. Gilbert Augustin-Thierry les accepte comme on les lui donne ; son imagination les lui embellit de poésie singulière et, romantique impénitent, il aime en elles un nouveau symbole de l’implacable Fatalité.

Il leur doit le thème de son chef-d’œuvre, le Stigmate, roman d’histoire et de libre invention, roman dont les personnages, censément nos contemporains, ont été par Gilbert Augustin-Thierry créés mais non de toutes pièces, car ils continuent, dans leur existence d’effroi, de scrupule et d’absurdité, leur lignée : ils descendent de. Claudine-Armande, marquise de Montmesnil, demoiselle de très bonne maison, la fille de M. Séverin de Paris, conseiller en la Grand’Chambre, et la cousine du diacre Pâris. Il y a dans leur sang le sang de cette famille qui fut tout affolée par les hérésies ; et il y a dans leur souvenir, dans leur incessante hantise, les convulsionnaires du charnier Saint-Médard. Ce sont des gens de maintenant, des gens que nous aurions pu rencontrer dans les rues ; et ils ont l’air de vivre maintenant : mais ils vivent, pour ainsi parler, il y a deux siècles, au milieu des épouvantes qu’a répandues la doctrine exaspérée de la Grâce. Ils recommencent une ancienne frénésie. Leur calamité vient de Pascal et des Jansénistes. Et ni les Jansénistes, ni Pascal ne sont responsables, en vérité, de leur toquade et du martyre saugrenu qu’ils endurent. La religion des ancêtres s’est propagée en eux, s’est avilie en eux, jusqu’à devenir une contagion de démence. Mais leur démence a, très loin, son origine dans la plus noble et haute pensée religieuse et leur démence garde on ne sait quoi de sublime dans la pire abjection mentale. Ainsi tournent les doctrines ; et elles tournent mal. Tout se passe comme si elles enfermaient un germe de corruption qui se développe et qui les gâte. Parmi les descendans des convulsionnaires et miraculés du charnier Saint-Médard, une jeune fille est charmante,