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alors, nous avons à examiner tout bonnement des phénomènes de psychologie un peu morbide. Peu importe ! répondra une nouvelle fois Gilbert Augustin-Thierry ; appelez phénomènes psychologiques les faits que le spiritisme signale, vous ne les démentez pas pour cela. Eh ! il ne s’agit pas de les démentir : il s’agirait plutôt de les contrôler avec soin. Mais tout change si lesdits phénomènes sont rangés avec d’autres parmi les diverses manifestations de notre vie mentale, et non plus traités à part, attribués à des interventions suprasensibles, rapportés à l’œuvre du Grand-Inconnu, de l’Éternel-Maintenant, de l’Occulte. Or, il me semble que peu à peu Gilbert Augustin-Thierry se détacha de la métaphysique et inclina vers la psychologie ou, en d’autres termes, admit que les dogmes de l’occultisme fussent traduits modestement. Qu’on Use, à cet égard, les deux préfaces qu’il a écrites, à dix ans d’intervalle, pour deux éditions de la Tresse blonde. « La Déité, un Tout vivant et personnel, nous environne et nous enlace, nous qui vivons en lui. » dit-il d’abord ; et il « se hausse vers l’Occulte, « il aborde l’Absolu : c’est l’Absolu, l’Occulte, le Tout vivant et personnel, la Déité, le Sphinx, qui veille à tourmenter l’univers et à organiser les châtimens de l’humanité, d’un temps sur l’autre, par-dessus la distance de l’espace et des siècles. Le héros de la Tresse blonde expie le crime de son père : décret de l’Occulte, dit la préface de 1888. Et la préface de 1898 : « L’enfant porte le poids des méfaits accomplis par ses parens ; il perpétue l’ancêtre, il est donc solidaire de ses aïeux. » C’est, en deux langages, la même idée. Cependant, la différence des mots indique une différence de l’idée. Pour le moins, nous avons éconduit le thaumaturge Elias.

Le spiritisme de Gilbert Augustin-Thierry se dépouille de son costume trop baroque. Il devient de plus en plus sage ou, si l’on veut, plus scientifique. La thaumaturgie s’apaise et l’occultisme montre quelque abnégation. Le merveilleux continue à se manifester ; mais il redoute l’extravagance et, dans les cas très inquiétans, consulterait volontiers le médecin : le tragique héros de la Fresque de Pompéi est un garçon qu’un rude coup de soleil a frappé, qui souffre de cruelles hallucinations et qui cède à leur duperie.

Le spiritisme, l’occultisme et l’étrangeté de Gilbert Augustin-Thierry aboutissent, en fin de compte, à une croyance tout ensemble mystique et scientifique au fait et au dogme du péché originel. Solidaire de ses aïeux, l’homme contient en lui, dans sa chair, dans sa pensée et dans sa destinée, l’immense aventure antérieure de sa race ; il la traîne avec lui, l’amène au jour et la suscite à nouveau. Péché