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assurément reluire aux yeux des enthousiastes de bien belles perspectives : les Républiques de l’Amérique du Sud dominées par leurs colons germaniques seraient devenues un vaste dominium allemand ; l’Empire allemand d’Afrique aurait, outre les colonies portugaises et belge, englobé le Maroc et le Soudan français, en ne nous laissant que l’Algérie et en abandonnant la Tunisie aux Italiens ; l’Insulinde hollandaise s’annexait à l’Empire germanique, comme les Pays-Bas eux-mêmes et la Belgique ; enfin, de la base de Kiao-Tchéou, une politique énergique aurait su étendre le protectorat de l’Allemagne sur toute la Chine proprement dite, laissant la Mandchourie aux Japonais. Les fâcheuses surprises qu’a subies l’opinion allemande du chef des interventions anglaise, japonaise, italienne, au nombre des alliés de la France, non moins que par suite de la bataille de la Marne, de la résistance russe et de quelques autres mécomptes, ont sans doute assagi quelque peu, sinon les pangermanistes, du moins beaucoup des grands « mangeurs de territoires » d’autrefois. Mais les coloniaux allemands n’ont pas pour si peu abandonné leurs projets de conquêtes et, chose curieuse, ce qu’ils revendiquent aujourd’hui est à peine plus considérable que ce qu’ils pouvaient presque obtenir hier d’un peu plus de douceur, de tact et d’habileté ! S’ils font leur deuil d’une expansion d’influence politique dans l’Amérique du Sud, ce qui leur créerait des difficultés avec les Etats-Unis, eux-mêmes fortement germanisés, ils n’ont point abandonné l’idée de prendre au développement économique de la Chine une part prépondérante, sous prétexte que le Japon ne saurait suffire à l’outillage de ce vaste empire. Il va de soi, pour eux, que le protectorat sur l’Empire ottoman leur est acquis, puisqu’en fait ils ont réussi à en galvaniser toutes les forces pour une guerre impie contre la France ! Quant à l’Afrique et au reste de leurs colonies, capturées par les Anglo-Français, ils pratiquent volontiers un raisonnement qu’il faut retenir : « Alors même, dit Rohrbach, que nous n’obtiendrions sur tous les théâtres de la guerre que des résultats partiellement insuffisans, il me paraitrait malgré tout vraisemblable que nous ferons des acquisitions en Afrique, car nous avons en tout cas entre les mains dans l’Ouest des gages importans, et il ne sera même pas nécessaire de lâcher complètement ces gages (je n’ai pas besoin de les nommer) : il devrait suffire que nous nous retirions çà et là