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première. Les découvertes françaises en Afrique, les premières campagnes du Tonkin et de Madagascar avaient eu dans le public allemand un contre-coup sensible et, alors que Bismarck s’accordait avec lord Salisbury pour « laisser le coq gaulois gratter dans les sables du Sahara » et pensait que toutes les acquisitions coloniales « ne valaient pas les os d’un grenadier poméranien, » des susceptibilités ombrageuses s’inquiétaient de voir le drapeau français flotter, sur de nouveaux et immenses domaines, alors que presque nulle part le pavillon du nouvel empire allemand ne semblait solidement établi.

On sait, comment, pour donner satisfaction à ce nouvel impérialisme, Bismarck avait, dès 1885, fait reconnaître par la Conférence de Berlin la souveraineté de l’Allemagne sur l’Hinterland de quelques côtes africaines, plus ou moins sérieusement explorées par des sujets allemands. Il y avait là dans l’Afrique équatoriale, de part et d’autre du bassin du Niger, deux amorces de colonies pouvant permettre de fructueuses exploitations des produits tropicaux. Il y avait surtout, au Nord-Ouest de la colonie du Cap et dans cet Est africain dont les grands massifs montagneux avaient rempli d’admiration les explorateurs, de vastes régions de hauts plateaux, propres à l’élevage et où, l’altitude compensant la rigueur de la latitude, il semblait possible de prévoir un peuplement européen relativement dense. Si l’Allemagne avait donc laissé prendre de l’avance aux entreprises françaises, elle ne s’en assurait pas moins une part fort respectable dans le partage de l’Afrique, et cela sans coup férir, presque sans autre effort méritoire que des négociations diplomatiques bien conduites.

La France s’était prêtée de bonne grâce à tous les arrangemens et l’Angleterre avait même semblé voir avec quelque satisfaction une puissance coloniale allemande compenser quelque peu la renaissance d’un empire colonial français.

En même temps, la marine allemande s’assurait dans l’océan Pacifique la possession du Nord-Est de la grande île des Papous, connue sous le nom de Nouvelle-Guinée ; elle rebaptisait Archipel de Bismarck les îles de la Nouvelle-Bretagne et de la Nouvelle-Irlande ; elle occupait les îles de l’Amirauté, ainsi que les îles Bougainville, Choiseul, Isabelle, etc. Après avoir un peu plus tard racheté à l’Espagne les îles Carolines et Mariannes, il