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bonté le rapprochaient des Mennonites du Waterland, qui le considéraient un peu comme l’un des leurs.


III

Ces Mennonites avaient alors comme prédicant le pasteur Renier Ansloo, que Rembrandt immortalisa par sa célèbre eau-forte et par le merveilleux portrait du musée de Berlin ; ce pasteur entra dans la vie du peintre au moment où le jeune Samuel Van Hoogstraten, de la secte des Mennonites, vint de Dordrecht à Amsterdam, demander à Rembrandt de le prendre comme élève à demeure, ou, plutôt, comme « compagnon. »

C’est, sans doute, grâce à ce jeune artiste, — qui fut un esprit fin et très distingué, et un écrivain d’art de valeur, — que les Mennonites peuvent s’enorgueillir de compter Rembrandt parmi leurs adeptes, à partir de la mort de Saskia. En effet, c’est peu de temps après l’arrivée de Van Hoogstraten, chez Rembrandt, que celui-ci fit les deux portraits du pasteur.

Un peintre danois, Bernard Kheil, — qui entra à son tour comme élève chez le peintre, un peu plus tard, en 1648, et qui demeura huit années avec lui, jusqu’à sa ruine en 1656, — a formellement certifié que son maître était mennonite et a raconté à son sujet des traits de mœurs et les coutumes de cette secte issue de la Réforme de Menno Simonz, remontant au début du XVIe siècle, et qui n’est qu’une variante de la secte des Anabaptistes, persécutés par Luther.

D’ailleurs, lorsque Hendrickje Stofiels fut citée, avec Rembrandt, en 1654, devant le Consistoire de la Oudekerk, pour répondre du scandale causé, dans la Communauté, par sa grossesse, Hendrickje, la servante, ne put se soustraire à son admonition, tandis que Rembrandt put décliner la compétence du Consistoire ; car, dans la deuxième sommation à comparaître, Hendrickje, seule, est appelée. Il faut y voir une preuve complémentaire que Rembrandt était déjà mennonite, et avait abandonné l’Eglise nationale pour se rapprocher de ces indépendans, dont la doctrine reposait sur le libre arbitre dans l’interprétation des textes sacrés, sans interpolations, ni commentaires. — « Pour le reste, ajoute Bernard Kheil, ils vivaient à leur guise et caprice. » Les deux « Testamens » semblent bien avoir été la seule littérature de chevet du grand artiste, qui sut en exprimer mieux