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ourdira : Ce que l’on m’a annoncé m’a rempli d’allégresse : j’irai dans la maison du Seigneur !

O Vous qui, par un décret des puissans, êtes bannis des lieux toujours aimables qui vous ont vu naître, qui ont allaité votre enfance, assuré votre jeunesse et qui semblaient ne demander le tribut de votre maturité que pour consoler votre vieillesse et prolonger sa durée, vous les fuyez, ces lieux chéris, ces lieux sacrés, vous êtes contraints d’abandonner vos maisons, vos familles et vos devoirs, mais le Seigneur vous ménage un asile. Invoquez-le dans la simplicité et la ferveur de votre âme et dites avec moi ces paroles de l’Ecclésiaste : « Ayez pitié de nous, ô mon Dieu, Seigneur de toutes choses ; regardez-nous favorablement et faites-nous voir la lumière de vos miséricordes[1] ! Renouvelez vos prodiges ; opérez des miracles qui n’aient point été vus ; glorifiez votre main et votre bras droit ; pressez le temps, hâtez la fin pour que les hommes puissent publier vos merveilles ; rassemblez toutes les tribus de Jacob, afin que les hommes connaissent qu’il n’y a pas d’autre Dieu que vous et qu’ils deviennent votre héritage, comme ils l’ont été dès le commencement ! Ayez pitié de votre peuple et d’Israël que vous avez traité comme votre fils ! Remplissez Sion de la vérité de vos paroles ineffables ! Rendez témoignage à ceux qui vous ont été fidèles et vérifiez les prédictions que les anciens prophètes ont prononcées en votre nom ! Récompensez ceux qui vous ont attendu longtemps ! Exaucez, ô mon Dieu, les prières de vos serviteurs.

Ainsi soit-il !


En émettant ces hautes pensées qui ont dû frapper le lecteur et qui présentent, dans les temps actuels, un intérêt tout particulier, — car nul n’a plus justement mis en relief la précarité du bonheur des méchans, les remords des grands coupables, le châtiment fatal des tyrans et la vengeance des opprimés, — Mirabeau n’a pas fait simplement œuvre d’écrivain, comme Diderot qui, dans sa jeunesse, à la demande de quelques ecclésiastiques épris de son talent, avait composé des sermons pour accroître ses ressources pécuniaires.

  1. Miserere nostri, Deus omnium et recipe nos et ostende nobis lucem miseratio num tuarum… (Eccl. ch. XXXVI, vers. 1 à 18.)