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allemands, et, dans nos carrières, des réduits pour les régimens du Kaiser. Cette guerre aura révélé la puissance d’une savante organisation d’avant-guerre.

Au moment de la mobilisation, les tentatives faites contre nos chemins de fer n’ont pas réussi ; mais elles pouvaient entraîner de graves retards. Toutes nos mesures semblent avoir été connues, en Allemagne, dès leur préparation, et souvent aussitôt qu’elles étaient décidées. On a vu dans les récits des combattans les innombrables procédés employés par les espions allemands sur le front pour indiquer aux observateurs ennemis l’importance et les mouvemens de nos troupes ou rectifier le tir des leurs. Lumières aux lucarnes, signaux conventionnels dessinés par les vêtemens étendus ou par les fenêtres fermées, inscriptions à l’intérieur des volets, subitement tournées vers le dehors, silhouettes formées par des attelages d’un laboureur de contrebande, etc., etc., toutes les ruses traîtresses ont servi. On a trouvé des installations de télégraphie sans fil dissimulées parfois de la façon la plus ingénieuse chez nombre de suspects. Les Italiens n’en ont-ils pas découvert une dans l’autel d’une petite église du Trentin, où le desservant lui-même l’avait cachée !

Les affiches de sociétés allemandes vantant leur pacifique produit portaient des marques destinées à guider les troupes d’invasion ou à préciser certains détails topographiques. Dans chaque localité où arrivaient les envahisseurs, ils étaient guidés par quelque ancien employé des principales maisons de commerce de l’endroit, par quelque contremaître ou quelque ingénieur des usines locales, reçu en ami, parfois des années durant, jusqu’au jour de la mobilisation. Ces gens allaient droit aux notables, connaissaient leurs ressources, leur situation, désignaient les chevaux dans leurs écuries, le vin dans leur cave. L’espionnage s’était infiltré dans toutes les cellules du pays. Il nécessite donc dès le temps de paix, mais surtout en temps de guerre, une surveillance extrêmement étroite. Toute surveillance est une discipline : elle suppose et une connaissance des individus, représentée par des formalités et des papiers plus ou moins compliqués, et une direction au moins négative qui leur est imposée. Et, quand la surveillance se précise encore, la direction, de négative, devient positive : à des obligations de ne pas faire se substituent ou plutôt s’ajoutent