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sont interdites pour l’alimentation du bétail… D’ailleurs, par ordonnance du conseil fédéral, en date du 19 juin 1915, tous les contrats faits par des particuliers pour acheter des produits de la prochaine récolte en blé, seigle, orge, sucre, etc., sont déclarés nuls. Tout le riz doit être réservé à la Société centrale d’achat, etc.

Un article important, les pommes de terre, donne lieu à des règlemens spéciaux, débutant dès le 5 août 1914 par la centralisation obligatoire, entre les mains d’une société privilégiée, de tous les produits de pommes de terre séchées[1]. Ces règlemens sont nombreux ; ils touchent à la fois à la question du bétail et à celle du pain. Cette dernière est celle qui a provoqué les mesures les plus retentissantes. On rend d’abord obligatoire le mélange d’au moins 30 p. 100 de seigle dans tous les pains de froment, puis de 10 pour 100 et de 20 pour 100 de farine de pommes de terre dans les pains de seigle. En outre, on impose aux boulangers des heures de travail et des restrictions de vente. Les communes ont reçu mission de surveiller et de rationner la consommation individuelle. Elles ont pour cela distribué les fameuses cartes de pain, et il n’a pas été permis de consommer plus de 225 grammes, puis 200 grammes de farine par tête, ce qui correspond, avec l’addition de fécule de pommes de terre, à environ 3 livres et demie de pain par semaine. Une ordonnance du 28 juin « saisit » toutes les céréales panifiables, au profit des communes.

On a encore limité la production du sucre et celle de la bière ; on a centralisé le commerce du malt ; on a fait le recensement et la déclaration du bétail et spécialement des porcs, et après en avoir réquisitionné une partie pour nourrir l’armée et la population, on a décidé de sacrifier une certaine proportion du reste, soit 30 pour 100 des porcs au commencement de juin, afin d’éviter la perte des matières consommables qu’il aurait fallu consacrer à leur nourriture.

Au total, tous les commerçans et producteurs et un grand nombre de particuliers ont été soumis à l’inspection et à la réquisition des agens du pouvoir public, en ce qui concerne la plupart des matières de première nécessité. On est passé chez eux, allant de ferme en ferme et de boutique en boutique, on leur a pris ce qu’on a voulu, en leur laissant, sur leurs

  1. Le 12 avril 1915 est créé un office impérial pour le ravitaillement en pommes de terre, et il a droit de préemption sur tous les marchés en cours.