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LA JURIDICTION DES PRISES


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En temps de paix, le respect de la propriété privée est une des bases du droit commun à tous les peuples civilisés. Il n’en est plus de même en temps de guerre. Ici, la pratique universelle apporte à ce principe une dérogation considérable. Sur mer, la propriété privée devient saisissable, quand elle appartient à un ennemi, ou même simplement, dans certains cas, quand elle lui est destinée.

Des jurisconsultes ont critiqué cette règle, en laquelle ils voient un reste de l’antique barbarie. Mais de leurs observations il résulte qu’elle constitue une amélioration par rapport à l’état de choses antérieur. À l’origine de l’humanité, nulle propriété n’est stable : chacun est exposé aux déprédations d’un plus fort. Avec l’organisation des États, ce péril disparaît : les lois viennent consacrer le principe de la propriété, des tribunaux sont institués pour l’appliquer, une force publique est établie en vue de sa défense. Seulement, tout cela ne vaut que dans les limites de chaque État et pour ses ressortissans. L’étranger n’a point encore de droit reconnu. Pourtant, quand la paix règne entre les États, on tend progressivement à étendre à cet étranger les garanties dont jouit le national. Toutes disparaissent pour lui, quand survient la guerre. On peut alors le maltraiter impunément, on doit même parfois le faire. La guerre