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c’était la rupture de l’équilibre, c’était la fin de l’application du principe de l’intégrité de la Chine. Celui-ci n’avait-il pas pour but d’empêcher, non seulement les blancs de se faire entre eux une dangereuse concurrence, mais aussi d’écarter le redoutable voisin jaune ? Certes, la pureté du principe n’était plus intacte depuis que l’Allemagne avait donné le signal de sa violation ; mais, malgré les entorses, la doctrine de l’intégrité demeurait vaille que vaille respectée. La défaite des Allemands au Chantong fournissait une bonne occasion de rétablir le respect du principe dans sa rigueur première en faisant remettre par le Japon sa conquête à la Chine.

Cette question délicate ne pouvait être discutée en pleine bataille. On convint de part et d’autre de laisser au temps, qui mûrit les problèmes politiques, le soin de faire son œuvre, la maturité vient vite dans le vent brûlant de la tempête.

La restitution éventuelle de Tsingtao n’était pas le seul nuage noir dans le ciel international. Les hommes d’Etat du Nippon entendaient bien profiter des circonstances pour faire faire de grands pas à leurs projets d’expansion sur le continent, et particulièrement à la pénétration économique et politique de leur influence. Sur ce point encore, ils devaient également rencontrer, devant eux, les diverses Puissances, la Russie exceptée.

Cette situation nouvelle, survenant du fait de la guerre, allait donner à Yuen Chekai, enfermé dans le palais impérial, de crainte d’un assassinat, l’occasion de poursuivre son rêve d’empire, poussé d’ailleurs qu’il était dans cette voie par son fils aîné Yuen Koting, sorte de kronprinz ambitieux.

Pour réaliser un tel rêve, l’appui ou tout au moins la bienveillance de l’étranger est nécessaire, car le dictateur, ayant contre lui la partie active et éclairée de l’opinion publique, les militans qui ont arraché une première fois le pays des mains d’un pouvoir absolu incapable, serait exposé, s’il était livré à ses propres forces, à trébucher lamentablement sur les premières marches du trône impérial.

Le dictateur chinois, voyant les Européens absorbés dans le gigantesque et lointain conflit, tourna donc ses regards vers la puissance grandissante du Japon, et des négociations secrètes s’engagèrent. Jusqu’à quel point la diplomatie japonaise entre-t-elle dans les vues du président chinois ? C’est ce qu’il est