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de sauvegarder la dignité et l’indépendance de la race jaune contre les blancs.

On les connaissait ; par milliers, ils venaient, tous les ans, étudier dans le pays ; ils y entretenaient des relations avec les gens de toutes opinions, ils s’y créaient des sympathies ; ils y fondaient des sociétés politiques. C’est là que la Révolution avait été élaborée, c’est de là qu’étaient partis, pendant les dernières années de l’ancien régime, les circulaires, les tracts révolutionnaires, les mots d’ordre ; c’est là que des groupemens anti-russes avaient pris naissance dans le dessein de lutter sur le grand continent voisin contre les empiétemens moscovites, si odieux aux Japonais.

Tous ces derniers, connaissant mieux la situation réelle de la Chine que les Européens, savaient que Yuen Chekai, incapable qu’il était de gouverner et d’administrer autrement qu’avec les méthodes de l’ancien régime, se trouvait condamné à la même impuissance que celui-ci et ne pouvait être qu’un instrument plus ou moins docile dans la main des étrangers.

L’orgueil de race conspirait donc en faveur des républicains proscrits, et l’on reprochait aux ministres du Mikado de n’avoir pas une attitude assez nette à Pékin, de faire trop de concessions à la politique des Puissances soutenant la dictature. Par leurs complaisances, ils compromettaient, disait-on, l’avenir, ils retardaient l’heure où devaient se réaliser les vues de tous : « l’Asie aux Asiatiques. »

Le gouvernement de Tokyo manœuvrait avec habileté, conservant toujours sa double attitude ; la grande guerre allait lui fournir l’occasion de donner un coup de barre énergique.

Lorsque, en novembre 1914, la possession allemande du Chantong eut été conquise par les soldats du Mikado, tout de suite la question se posa devant l’opinion publique : « A la fin de la guerre devrons-nous rendre cette position admirable à la Chine et particulièrement au vieil adversaire du Japon qui seul aujourd’hui représente l’ancien Céleste-Empire ? Est-ce pour cela que nos guerriers auront versé leur sang ? »

Le ministre des Affaires étrangères, publiquement questionné à la tribune, tint à cet égard un langage qui laissait clairement entendre que les vœux du pays sur ce point seraient satisfaits. Les Puissances ne pouvaient être que d’un avis tout différent. Une conservation indéfinie de Tsingtao par le Japon,