Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/827

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

continuel dans ce pays ; mais les deux gouvernemens veillaient toujours à ce que les conflits individuels restassent dans le domaine privé. Ils avaient, en effet, à faire face à des compétitions autrement importantes : à celles des autres grandes Puissances.

Malgré les résultats de la guerre, les intérêts politiques de la Russie et du Japon demeuraient les mêmes en Extrême-Orient : besoin d’expansion des deux côtés. Aussi peut-on supposer que l’un et l’autre n’avaient pas renoncé au fond à leurs projets d’avenir, et qu’ils attendaient seulement que les événemens vinssent favoriser leurs desseins en modifiant l’équilibre de leurs forces et la situation générale.

Comment, d’ailleurs, l’un ou l’autre auraient-ils pu réussir à étendre sur le centre du continent asiatique une main dominatrice en présence des forces imposantes dont les drapeaux étaient plantés sur le sol de l’immense Chine ?

Allemands, Anglais, Français, Américains et jusqu’aux Italiens et aux Portugais étaient eux aussi directement intéressés à cette grave question de l’hégémonie.

La France, grâce à ses missionnaires, tenait depuis plusieurs siècles une place de choix en Chine ; protectrice des chrétiens, elle y avait une grande figure morale ; de plus, la possession du Tonkin, limitrophe de l’empire chinois, lui donnait le droit de faire entendre sa voix dans la discussion des questions d’influence ; l’Angleterre, dont les sujets, commerçans nombreux, ont fondé des établissemens importans dans les ports ouverts ; Allemands, établis à Tsingtao et de là rayonnant sur tout le pays ; Américains, poursuivant leurs actives entreprises industrielles et commerciales et même morales par de nombreux missionnaires protestans répandus dans les provinces ; Italiens, Espagnols, Portugais, Belges, Suisses, tous considéraient la Chine comme une sorte de terre réservée dont les avantages devaient profiter à leur idéale communauté blanche.

A leurs yeux, ce pays immense, habité par une population de plus de quatre cents millions d’âmes, présentait des possibilités d’avenir inestimables, aux points de vue commercial et industriel.

Est-ce qu’une seule Puissance disposerait un jour de l’exploitation d’un aussi riche trésor ?

Tout le monde répondait par la négative. Le gouvernement