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elle, entraver leur œuvre de japonisation du pays conquis.

Dans les années qui suivirent, l’animosité devait s’accroître de chaque avantage que les Russes, spéculant sur le prestige de leur force, obtenaient du gouvernement valétudinaire chinois. En 1896, celui-ci abandonnait à la Russie le droit d’exploiter et de garder la voie du chemin de fer transmandchourien, ce qui traçait autour de la nouvelle sphère d’influence japonaise une sorte de frontière russe ; en 1898, quelle ne fut pas l’amertume ressentie par tout le peuple du Nippon, lorsqu’il apprit que son ancienne conquête, la presqu’île du Liaotong, avec son fameux port, passaient, sous les apparences d’une cession à bail, dans les mains des Russes, qui lui appliquaient le nom de Port-Arthur ; plus tard encore, les Russes occupèrent une partie de la Mandchourie ; enfin, la nomination, le 31 juillet 1903, du général Alexéieff, comme vice-roi, sembla indiquer que la Russie allait s’opposer d’une façon définitive à l’action japonaise sur le continent et prendre pour elle-même l’hégémonie de l’Extrême-Orient.

Au pays du Soleil Levant, l’irritation arriva à son comble ; gouvernement et peuple furent unanimes à vouloir, si la chose était nécessaire, recourir à la force pour s’opposer à la marche en avant de leurs adversaires.

Déjà, des demandes de règlement des questions litigieuses étaient adressées à Saint-Pétersbourg par les ministres du Mikado.. On se rappelle les longs atermoiemens de la Russie, enfin, l’attaque soudaine par les torpilleurs japonais coulant les cuirassés russes dans Port-Arthur même.

Cet acte de guerre produisit dans le monde entier l’effet d’un véritable coup de tonnerre, qui frappa d’étonnement toute la race blanche et fit tressaillir de surprise tous les jaunes. Comment ! Il était donc possible que ceux que les blancs appelaient dédaigneusement les petits Japs osassent se mesurer avec le colosse russe ? Sûrement, celui-ci n’allait en faire qu’une bouchée ? C’était bien là l’opinion des Russes eux-mêmes. « On ne fait pas la guerre aux enfans, disaient les officiers, on leur donne le fouet. »

On sait comment le préjugé de la supériorité en toutes choses de la race blanche fut démenti par l’événement et comment les Japonais, après avoir détruit la flotte russe, vainquirent sur terre les armées du Tsar.

Le résultat de cette guerre révélait, non seulement le plus grand courage chez les Japonais, mais aussi, de leur part,