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et, du côté de la terre, entouré d’autres collines propres à recevoir des forts et des travaux d’approche, constituait un point d’appui magnifique d’une valeur militaire de premier ordre ; aussi le gouvernement chinois avait-il confié à des ingénieurs allemands le soin de le fortifier. Ces ingénieurs avaient déjà achevé la plus grande partie de leur travail concernant les défenses maritimes lorsque la guerre éclata.

La possession d’une telle base navale par le Japon commençant à faire preuve de sa valeur militaire devait nécessairement inquiéter la Russie. Ce concurrent de race jaune qui venait ainsi se mettre en travers des projets du puissant empire des Tsars, représentant éminent de la race blanche en Extrême-Orient, était trop audacieux.

On le lui fît bien voir, et, sous la pression des trois grandes Puissances : Allemagne, France et Russie, le victorieux dut renoncer au bénéfice de sa conquête, au nom du principe de l’intégrité de la Chine.

Le Japon abandonna donc Liukountchéou, avec son port admirable, et dut reporter toute son activité sur la Corée, et sur Formose. De ce jour, des sentimens d’animosité profonde grandirent dans les cœurs japonais contre les Russes ; mais les insulaires en renfermèrent l’expression derrière cette impassibilité du visage qu’on aurait grand tort de prendre pour de l’indifférence.

Un homme d’Etat éminent, le comte Inouyé, qui vient de mourir, essaya d’abord de tirer parti des avantages conquis, en établissant une sorte de protectorat intelligent et souple sur la Corée ; il commença à réorganiser administrativement ce pays arriéré ; mais ses efforts furent contrariés par toute la nuée des trafiquans, des hommes d’affaires, des agioteurs, des indésirables de son pays, qui s’abattirent sur les territoires nouvellement ouverts à l’activité japonaise. En 1895, le comte Inouyé dut laisser la place à un général inexpérimenté et brutal. Un mois après l’arrivée de celui-ci, la reine de Corée était assassinée, une révolution de palais tendait à mettre sans ménagement le Roi sous la main japonaise. Le souverain effrayé s’enfuyait a la légation russe à Séoul, y demandait asile et protection.

Une telle situation ne pouvait que tendre les rapports entre les deux, peuples, les Japonais considérant qu’une Puissance européenne n’avait pas le droit de venir, si loin de chez