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à Paris[1], contient aussi un beau portrait de notre empereur. Phrantzès raconte, chose curieuse, que les Turks trouvaient à Manuel la plus grande ressemblance avec le prophète Mahomet, et que Bajazet le lui avait dit plusieurs fois.

A la fin du premier de ces volumes si particulièrement précieux, est écrite une non moins précieuse note en grec, dont voici la traduction :

« Ce présent livre a été envoyé de Constantinople au couvent de Saint-Denys, à Paris, dans la France ou Gaule, par le très haut basileus ou autocrator des Romains, Kyr Manuel Paléologue, et apporté par moi, Manuel Chrysoloras, envoyé en ambassade par le dit basileus, l’an du monde 6915 ou de l’Incarnation de Notre-Seigneur 1408. Le dit basileus était venu lui-même à Paris quatre ans auparavant. »

Ce manuscrit in-4o, vraiment magnifique, sur très belle peau de vélin, une des plus splendides raretés du fameux trésor de Saint-Denys où il portait le n° 416, avait été longtemps considéré comme perdu, et on ne le connaissait plus que par la description qu’en avait faite Félibien dans l’Histoire de cette abbaye. Il est relié en velours rouge avec les plats encadrés de vermeil très richement ciselés et enfermant, je l’ai dit, sur chaque face, trois bas-reliefs sur ivoire, portant des sujets religieux. Après une admirable miniature donnant le portrait de saint Denys l’Aréopagite, on admire celle sur laquelle est représentée la famille impériale. La Panagia, ayant sur sa poitrine son divin Fils, pose la main droite sur la tête du basileus et la gauche sur celle de la basilissa. Manuel et Jean, son fils aîné, ont des robes bleues aux paremens d’or gemmés. L’impératrice et ses deux plus jeunes fils ont des robes écarlates beaucoup plus richement ornées.

« Quelques galères, dit fort bien M. Jugie, de riches présens, d’agréables souvenirs, voilà tout ce que rapportait Manuel de son long voyage d’Occident. C’était peu, sans doute, mais Tamerlan avait fourni le magnifique supplément qui allait assurer à la vieille Byzance encore cinquante ans d’existence. »


GUSTAVE SCHLUMBERGER.

  1. A la Bibliothèque nationale.