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l’impérial cortège et sa suite gréco-italienne certainement fort nombreuse ! Hélas ! nous ne possédons pas le moindre document à ce sujet. On était au printemps. L’empereur et son cortège serpentant aux flancs des monts, durent traverser des champs de neige comme le basileus n’en avait point vu depuis ses pénibles chevauchées en Anatolie à la suite des armées de Bajazet.

Nous ne savons rien non plus du long et pénible voyage jusqu’à Paris. Dans combien de vieilles cités françaises, l’impérial cavalier fut-il reçu par les gouverneurs royaux, les magistrats et le clergé aux sons des instrumens, au milieu de foules immenses fiévreusement accourues de toutes parts pour admirer ce spectacle unique au monde, cet empereur hérétique si lointain, si célèbre, qui venait rendre visite à travers toute l’Europe à l’héritier des Lis !

« Charles VI, dit Jean Juvénal ou plutôt Jouvenel des Ursins, autre chroniqueur contemporain, regardait comme un honneur tout à fait extraordinaire pour son règne cette visite du fameux empereur d’Orient, et il n’avait rien négligé pour le dignement recevoir. Il avait envoyé à sa rencontre aux confins du royaume un certain nombre de chevaliers et d’écuyers. D’autres avaient été échelonnés tout le long de la route par laquelle Manuel devait passer, afin que, dans toutes les villes de son parcours, il fût reçu, logé, défrayé de la manière la plus riche aux frais uniques de la couronne de France. »

« Le Roi, dit, de son côté, l’autre chroniqueur contemporain le plus important, le Religieux de Saint-Denys, attendait depuis longtemps l’arrivée de Monseigneur Manuel, empereur de Grèce. Il fut charmé d’apprendre que l’illustre souverain d’un si fameux empire avait abordé dans ses Etats. Cet événement extraordinaire lui paraissait très honorable et très glorieux pour son règne, et il songeait avec orgueil qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait reçu une marque si précieuse de la faveur du ciel. Il résolut donc de recevoir l’empereur avec toutes sortes d’égards. »

Si, pour le voyage de l’empereur d’Italie en France, nos informations sont presque nulles, nous sommes mieux renseignés pour l’entrée et le séjour à Paris, pour l’entrée surtout qui est racontée assez en détail par quelques-uns des historiens du roi Charles VI. On sent que cet événement si étrange pour l’époque fit sur tous les Français la plus profonde impression.