VERS LA GLOIRE. T55
il se releva, il s’aperçut que l’heure de son cours à l’Institut de Botanique était depuis longtemps passe’e; c’était la première fois qu’un pareil manque d’exactitude se produisait dans son existence laborieuse, et, en d’autres circonstances, il en eût été morfondu; mais aujourd’hui, il n’en éprouvait aucun ennui, au contraire. Pour des momens comme celui qu’il venait de vivre, il eût donné beaucoup plus; — il eût donné ce qu’il possédait de force, d’intelligence et de sourde et tenace ambition. XIV
Michel venait d’achever sa toilette; tout en replaçant ses flacons dans l’ordre méticuleux où il les rangeait chaque jour, il fredonnait. Il s’était levé avec un rayon de soleil dans le cœur; il fredonnait de sa voix de baryton légère un vieux refrain qui, de très loin, lui revenait à la mémoire. Sans qu’il eût entendu frapper, la porte s’ouvrit, et Gabriel d’Artissac pénétra jusqu’au milieu de la chambre.
— Bonjour! Tu es bien gai, ce matin! Je suis heureux de te voir si gai.
— Je n’ai aucune raison de m’aflliger, dit Michel en lui serrant la main.
Et il ajouta sur le mode ironique dont ils avaient gardé l’habitude entre eux :
— Qu’est-ce qui me vaut l’honneur de ta visite? C’était la première fois, en effet, que son ancien condisciple de Bollin venait dans la maison depuis son désaccord avec l’oncle Sorguier. Le jeune gentilhomme périgourdin avait l’épiderme sensible et, jusqu’ici, il avait évité une rencontre qui aurait pu renouveler ses rancunes.
— Assieds-toi, dit Michel. Veux-tu une cigarette?
— Merci! Je ne fume pas.
— C’est vrai! Tu n’as aucun défaut : pas de tabac, pas de liaisons dangereuses; et buveur d’eau par-dessus le marché. — A propos, ta ligue? As-tu fait beaucoup d’adeptes?
— Les temps ne sont pas encore révolus, déclara Gabriel prophétiquement.
Il s’était assis, et, sans y prendre garde, il avait posé sa main sur la reliure verte du volume de Young qui se trouvait sur la table. Tout de suite, il la retira :
