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REVUE LITTÉRAIRE

LA SCIENCE FRANÇAISE

Pour affirmer que la Belgique a impudemment provoqué l’Allemagne, que Louvain n’a pas été détruite ni la cathédrale de Reims abîmée et que les soldats allemands sont les soldats de la science, les imposteurs connus sous le nom d’ « Intellectuels allemands » se sont mis à quatre-vingt-treize ; pour rédiger un autre manifeste, et d’une autre qualité, les deux tomes de La Science française que le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts vient de publier, il a suffi d’une trentaine d’écrivains : la vérité n’a pas besoin d’autant de signatures que le mensonge.

Au surplus, peut-être ai-je tort de rappeler à ce propos la dérisoire impertinence des quatre-vingt-treize- Il n’est pas question d’eux ni de leurs acolytes, dans l’ouvrage que je signale. Mais enfin, depuis le début de la guerre, les savans allemands annoncent éperdument « au monde civilisé » que la science est l’invention, le privilège et le monopole des Germains. Leur professeur Adolf Lasson déclare : « Nous sommes intellectuellement supérieurs à tous et hors de pair. » Leur professeur Ostwald : « Français et Anglais sont au point de développement que nous avons quitté il y a plus de cinquante ans. » Et le même professeur Ostwald disait sans rire : « Dieu le père est, chez nous, réservé à l’usage personnel de l’Empereur ; » sans rire davantage, il considère que la science est réservée à l’usage personnel des professeurs allemands. D’ailleurs, ces divers savans ou érudits ont proclamé — l’Empereur aussi, dans maints discours, — la parfaite camaraderie, l’intimité, l’identité de leur science et de leur militarisme. En d’autres termes, les Lasson, les Ostwald et les