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endigué sur ses deux rives, mais la digue occidentale surplombe de deux mètres la digue orientale[1], et le génie belge l’avait solidement gabionnée avec des sacs de sable. Les tranchées de première ligne furent renforcées ; d’autres tranchées construites à la hâte en arrière, qu’on perfectionna au cours des jours suivans ; le 12, débarquait à la brigade un contingent de Toulon qui permit d’y boucher quelques brèches[2]. La grande affaire, c’était de contenir l’ennemi dans Dixmude, comme on l’avait contenu dans la boucle de Tervaete. Il fallait à tout prix qu’il ne pût utiliser cette nouvelle tête de pont : on réussit à pousser devant elle, bien abrités, un canon de 37 et une pièce de 75 ; aux pièces lourdes de la défense on prescrivit de tirer sans relâche sur les abords de la ville. Nous avions enfin reçu des munitions, même de l’artillerie, « tout un régiment[3], » sous les ordres du colonel Coffec. « Ah ! si elle était arrivée plus tôt ! » laisse échapper le lieutenant de vaisseau Cantener. N’ayant pu conserver Dixmude, c’était à notre tour de consommer sa ruine. Le colonel Coffec, en bon Breton, s’y employait de tout son cœur. De nouveaux brasiers s’allumaient près du Haut-Pont ; l’artillerie de campagne et l’artillerie lourde française ne cessaient de tonner, en réponse à l’artillerie allemande. Dans ces sortes de duels, il est rare que les artilleries aux prises, soigneusement défilées, s’endommagent réciproquement : leurs effets se font sentir presque uniquement sur les tranchées et les localités repérées. L’amiral avait maintenu son poste de commandement à Oudecapelle, qui n’était pas encore menacée, mais qui n’allait pas tarder à l’être. Pour le moment, l’ennemi continuait de s’acharner sur le secteur de la défense qui faisait directement face à Dixmude et qu’il lui fallait nettoyer avant d’essayer d’y prendre pied ; la préparation terminée, on

  1. L’Action de l’armée belge (rapport du commandement de l’armée).
  2. Journal de l’enseigne C. P… et lettre du lieutenant de v. Le B… : « Humbert a reformé une compagnie à moitié détruite le 10 novembre et, en trois jours, il l’a ramenée complètement rééquipée à Dixmude. »
  3. « Le matin (11 novembre) de bonne heure, nous devons déguerpir de la ferme où nous avons si bien dormi dans la paille chaude qui a séché nos vêtemens trempés. Tout un régiment français d’artillerie est arrivé à la rescousse et un groupe de 75 prend position dans la cour de la ferme. » (Journal de l’enseigne C. P…) — « Il est arrivé de l’artillerie française qui répond. Dixmude, ou ce qu’il en reste, brûle de nouveau plus que jamais. Le refrain unanime dans nos tranchées est que les Boches n’ont sûrement rien trouvé dans les caves. Je le crois. » Carnet du lieutenant de v. de M…)