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allemand montre les qualités et les dons par lesquels il est appelé plus d’une fois à intervenir dans la marche du monde. » Ecoutons encore Lamprecht : « La conscience de la race s’affirme, dès son origine, par une culture commune, et ses traits distinctifs sont déjà ceux qu’elle gardera toujours : la force militaire, la fidélité aux traités, la profondeur du sentiment, la vigueur de l’esprit et du corps, la sagesse, l’activité, la puissance du vouloir. » Entre l’Allemagne impériale et la Germanie de Tacite, il n’y a qu’une différence de croissance. Cet idéal, qui devait disparaître si promptement chez les autres peuples, était né, pour ne plus se perdre, dans les forêts d’Arminius.

La race : voilà donc l’être collectif dont l’histoire a retrouvé l’origine et va décrire les destinées. Démiurge qui, peu à peu, de l’inorganique va faire sortir l’organisé ! Par lui, dans ces transformations successives et progressives qu’imposent les siècles, un principe d’unité demeure, et, quels que soient les déchiremens, l’anarchie, le désordre apparens, il avance. A la Germanie primitive il avait donné une « conscience nationale. » Du IXe au XIIIe siècle, il ébauche sa structure extérieure, trace ses contours, affermit sa langue, établit son gouvernement ; duchés et tribus viennent se fondre dans l’unité idéale de la nation. C’est une remarque curieuse que fait Ranke, en opposant l’histoire de l’Allemagne à celle de l’Italie. « La vie de notre nation, dit-il, repose sur l’antagonisme du particulier et du général ; mais celui-ci a toujours été l’élément le plus fort. » Et ainsi, tandis que l’histoire de l’Italie est celle des patries locales, de Florence, de Rome, de Venise, l’histoire des États allemands ne donne aucune idée de la vie propre de l’Allemagne parce que, chez elle, le particularisme s’absorbe dans le tout. — Après le XVe siècle, l’évolution se continue. Un Empire allemand s’établit sur les ruines du Saint-Empire, comme un christianisme allemand se détache du catholicisme. Mais, là encore, c’est la race qui s’affirme dans ses institutions, dans sa croyance, dans son art. Il n’y eut pas d’humanisme plus national que celui de ces poètes, de ces lettrés qui firent d’Arminius le symbole de l’Allemagne, et jamais Luther n’eût réussi, s’il n’eût présenté sa foi comme une revanche du germanisme contre la latinité. — Au XVIIIe siècle, cette individualité se concentre dans la littérature et la philosophie. Il y a désormais un génie comme un peuple allemand. À cette Allemagne nouvelle que