Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/484

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

démesurément sa ligne d’opérations et à la prolonger jusqu’au Bosphore. Il est immanquable que cette ligne apparaisse un jour plus faible sur un point ou sur un autre, d’autant plus que les armées allemandes, obligées de combattre sur tant de fronts à la fois, perdent chaque jour des milliers de soldats et ont de plus en plus de peine à combler les vides. La crise des effectifs prend chez elles un caractère préoccupant. Il s’en faut au contraire que l’Angleterre, en voie de passer du régime du volontariat à celui de l’obligation, ait mis en jeu toutes ses ressources militaires, et, quant à la Russie, les siennes, qui sont en principe inépuisables, ne sont limitées que par le nombre des armes qu’elle peut fournir à ses admirables soldats. Or ces armes, grâce aux progrès de son industrie et au concours de ses alliés, augmentent quotidiennement entre ses mains. Bientôt un concours puissant nous viendra de ce côté. Nos moyens d’action croissent donc et se multiplient. Nul n’en dira autant de ceux de nos ennemis, et c’est ce qui explique les bruits de paix qui viennent périodiquement d’Allemagne et se répandent partout, comme pour chercher un peu au hasard l’endroit où ils trouveraient de l’écho. On en remarque une recrudescence en ce moment même.

Dès le début de la guerre, prévoyant qu’elle serait longue, nous avons recommandé la patience comme la condition de notre victoire certaine; elle l’est toujours. Restons à Salonique, puisque nous y sommes. Maîtres de la mer, nous y courons peu de risques. Il est bon que nous ayons un pied dans les Balkans et que nous y demeurions à l’état d’observation attentive et de menace active, prêts à profiter des chances qui s’offriront et à opérer, à notre tour, notre jonction avec nos amis d’aujourd’hui ou de demain.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, FRANCIS CHARMES.